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En juillet 1835, le gouvernement de Madras ayant envoyé des troupes pour forcer le rajah de Rumsur à acquitter les arrérages de son tribut, les nécessités des opérations militaires conduisirent l’expédition dans une contrée sauvage habitée par des peuplades à l’état complet de barbarie, et où l’Européen n’avait jamais pénétré. Les Khonds, race antérieure à la conquête de l’Inde par les Hindous, occupent, près de la côte nord-ouest du golfe du Bengale, un territoire d’environ 200 milles de long sur 170 milles de large. Vêtus d’une pièce d’étoffe retombant jusqu’au genou, la tête ceinte d’un bandeau de toile rouge, armés de flèches et de javelots, les Khonds ressemblent aux habitans des forêts de la Gaule et de la Germanie avant l’ère chrétienne, et l’on découvrit bientôt que la ressemblance ne s’arrêtait pas au costume, que la pratique des sacrifices humains était en vigueur parmi eux.

L’origine chez les Khonds de ce rite barbare se perd dans la nuit des temps ; il se lie intimement au dogme fondamental de leur religion. C’est pour gagner les bonnes grâces et apaiser le courroux de la déesse la Terre, le mauvais principe de cette mythologie primitive, que les victimes humaines sont offertes en holocauste. Aussi les sacrifices ont-ils lieu à l’époque des semailles, lorsque quelque grande calamité, épidémie, ravages de bêtes fauves, inondation, vient désoler les tribus. Les mérias, — c’est ainsi que l’on désigne, dans la langue des Khonds, les malheureux destinés à satisfaire les appétits sanguinaires de la déesse, — n’appartiennent pas le plus souvent aux tribus des montagnes. Ce sont des Hindous que des marchands de chair humaine, dans la plus horrible acception du mot, viennent enlever ou acheter dans les plaines, et qu’ils conduisent dans les districts habités par les Khonds, où ils les échangent contre des poules, des cochons ou des moutons. La déesse accepte indifféremment les âges comme les sexes ; mais le plus souvent les panwas (c’est le nom de la caste vouée à cet exécrable trafic) ne peuvent se