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mission de Madura ? Le témoignage des hommes les plus au courant des choses de l’Inde ne saurait malheureusement laisser aucun doute. À l’exception d’un petit nombre d’esprits d’élite qui ont accepté avec enthousiasme la révélation chrétienne, il ne se rencontre guère parmi les natifs convertis que des individus des plus basses castes, chrétiens du lendemain, si l’on peut emprunter cette expression à la langue révolutionnaire, généralement les plus corrompus d’entre les indigènes, que l’appât des secours que les missionnaires prodiguent autour d’eux, ou de pires motifs encore, attirent au banquet de la communion évangélique. C’est avec regret que nous constatons ici cette opinion, unanime parmi les hommes qui ont acquis une connaissance sérieuse du caractère hindou, que les prédications des missionnaires protestans n’ont fait aucune impression durable sur ces races endurcies dans l’idolâtrie, et que si quelque accident imprévu enlevait subitement à l’Inde les missionnaires évangélistes, de la communauté, de cent mille âmes qu’ils disent avoir amenée aux vérités chrétiennes un bien petit nombre seul ne retomberait pas dans les erreurs grossières des religions natives. Si l’on veut examiner à leur point de vue véritablement utile et sérieux les travaux des sociétés bibliques dans l’Inde, c’est dans les écoles des grands centres, de Calcutta surtout, qu’il faut aller les étudier. Qu’on visite par exemple l’école établie dans la capitale du Bengale par les missionnaires appartenant à la société du Free ckurck of Scotland. Chaque samedi, à midi, les étrangers sont admis dans l’établissement et peuvent assister à un examen oral. Les élèves les plus avancés sont rangés sur les bancs d’un amphithéâtre situé au milieu d’une grande salle, aux murailles tapissées de maximes empruntées aux Écritures. Ils sont là au moins cent cinquante jeunes babous pressés sur des gradins qui montent jusqu’au plafond, et l’aspect de ces têtes noires, de ces yeux brillans, uniformément superposés sur des robes de mousseline d’une éclatante blancheur, est tout à fait original. Assis au milieu de ses visiteurs, faisant face à l’amphithéâtre, le chef de l’institution, homme de haute taille et de la plus bienveillante physionomie, passe en revue les divers sujets d’études, les deux trigonométries, l’histoire, la géographie, la grammaire, les livres saints, et l’auditoire répond en chœur à ses questions ; à moins qu’il n’ait spécialement désigné quelque élève. Cette sorte de conversation bienveillante entre le maître et les disciples nous a beaucoup frappé, non-seulement par la sagacité des réponses faites à des questions assez compliquées, mais par la tenue parfaite de l’auditoire. Quoique l’examen se fût prolongé au-delà du temps ordinaire des études et eût ainsi empiété sur la récréation, nous ne pûmes surprendre un seul élève en flagrant délit de tenue inconvenante ou de babillage indiscret. Il est vrai de dire que sur ces cent cinquante noirs personnages, âgés en