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reçu des rudimens d’éducation, il s’élève seulement à 5 3/4 pour 100. Si, en s’appuyant sur ces données premières, que recommandent les travaux les plus sérieux, l’on évalue à 36 millions d’âmes la population du Bengale, dont la moitié, les femmes, ne possèdent que par exception infinitésimale les connaissances les plus élémentaires, on trouvera qu’au compte le plus favorable, 7 3/4 pour 100 sur 18 millions, soit environ un million et demi d’individus, reçoivent ou ont reçu des notions plus ou moins étendues d’éducation, et qu’ainsi dans le Bengale proprement dit près de 34 millions d’êtres à forme humaine vivent complètement étrangers aux premiers rudimens de la science. Les tableaux statistiques d’où l’on doit déduire ces effrayantes conclusions semblent toutefois contenir quelques indications d’un progrès lent et souterrain qui s’accomplit silencieusement au sein de la communauté native. Ainsi la société hindoue, telle que l’ont faite les traditions et les lois religieuses, se divise en trois classes distinctes : les brahmes, qui ne peuvent se livrer aux professions diverses auxquelles préparent surtout les cours des écoles de bengali et d’indoustani ; les castes marchandes ; enfin les castes dégradées, vouées à des métiers qui ne réclament aucune sorte d’instruction. Or l’on remarque que dans les districts qui se trouvent le plus en contact avec la civilisation européenne, le nombre des jeunes brahmes qui suivent les études des écoles primaires, et accusent ainsi l’intention d’embrasser des professions industrielles que les préjugés religieux devraient leur interdire, est de beaucoup supérieur à celui des élèves des autres castes. Cette proportion n’existe plus dans les districts éloignés, où le monopole de l’éducation primaire appartient toujours aux castes marchandes, qui dirigent ainsi leurs enfans vers les industries héréditaires de leur ordre. On peut cependant tirer de ce fait, sans en exagérer la portée, la conséquence que la barrière des préjugés religieux a été partiellement renversée, et que, le temps, la libéralité intelligente du gouvernement aidant, le progrès se généralisera. Notons aussi que la population hindoue montre moins de répugnance pour l’instruction que la population mahométane, car les statistiques officielles établissent que les élèves appartenant à la croyance musulmane entrent seulement pour 1/18e dans la population totale des écoles.

Si l’on passe de l’enseignement donné par les natifs aux institutions placées sous le patronage de l’honorable compagnie des Indes, on rencontre trois catégories d’établissemens[1], savoir : les col lèges destinés à la propagation des sciences orientales pures, tels

  1. Nous nous plaçons toujours dans le Bengale proprement dit, c’est-à-dire dans la division de l’empire indien qui a été soumise à l’enquête partielle dont nous essayons de résumer les résultats.