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de la mythologie hindoue, et qu’ils ne peuvent en un mot que servir à développer chez les enfans les superstitions les plus grossières et les plus stupides. Si l’usage des productions de la littérature hindoue doit exercer une action fâcheuse sur l’esprit des jeunes élèves, la moralité de l’éducation n’est guère mieux partagée lorsque l’enseignement est purement oral. Les spécimens d’exercices consacrés aux leçons premières d’écriture et de lecture dans les écoles où l’usage des manuscrits n’est pas adopté, et que nous allons reproduire, suffiront et au-delà pour faire apprécier tout ce qu’Il y a de vicieux dans l’enseignement des écoles natives :


« Un homme doit être aimable pour son ennemi, si par son assistance il peut se délivrer d’un autre ennemi, de même qu’il ôte l’épine qui a percé son pied à l’aide d’une autre épine.

« Une femme est nécessaire pour avoir un fils, un fils pour que des gâteaux soient offerts à vos funérailles, un ami pour trouver assistance dans le besoin ; mais l’argent pourvoit à toutes les nécessités de la vie.

« Posséder bon appétit, bonne nourriture, force virile, belle femme, cœur généreux et beaucoup d’argent, ce sont les véritables signes qu’un homme a bien mérité du ciel dans sa vie antérieure. »


Ces sentences, empreintes d’une philosophie égoïste et mondaine, sont loin d’être les pires de l’espèce, et la décence ne permettrait pas de citer certains passages d’exercices donnés à des enfans, pas sages qui doivent laisser dans de jeunes esprits des taches ineffaçables.

Si l’instruction de l’école native néglige complètement le côté moral de l’éducation, on ne tire nul parti dans la discipline intérieure de l’émulation et des bons instincts des enfans. Pour faire respecter leur autorité, les pédagogues ont recours à des punitions souvent grotesques, quelquefois terribles. Le code pénal en vigueur dans les écoles natives mérite à tous égards qu’on en dise quelques mots. Voici par exemple l’élève condamné à se coucher la face contre terre, avec une brique entre les épaules et une brique au bas des reins, double fardeau qu’il doit porter sans le laisser tomber pendant un temps déterminé : souvent on le contraint à se tirer lui-même les oreilles, et s’il se montre trop indulgent pour ses organes auriculaires, il encourt une punition d’un ordre supérieur, la pendaison par les pieds par exemple, ou bien encore on l’introduit dans un sac en compagnie d’un chat ou d’une botte d’orties. À l’ouverture de la classe, il est d’usage que le mentor écrive sur la main du disciple arrivé le premier le nom de Sarawasti, déesse de la science : ses politesses s’arrêtent là, car le second venu reçoit en manière de bonjour un coup de baguette dans la main, le troisième deux, et ainsi de suite jusqu’au dernier, qui a droit à un nombre de patoches (c’est