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sans se douter même de l’importance de leur mission. C’est à l’âge de cinq ans que la loi hindoue ordonne de commencer l’éducation, et dans les familles aisées l’initiation première de l’enfant est célébrée par une sorte de fête religieuse, où, en lui guidant la main, on fait tracer sur le sable au débutant les lettres de l’alphabet. Immédiatement après cette cérémonie, le bambin est conduit à l’école voisine. Sa vie scolaire est alors commencée, elle durera de six à dix ans, et se divise en quatre périodes distinctes.

La première ne dépasse pas dix jours ; l’élève apprend durant ces dix jours à tracer les lettres de l’alphabet sur la terre avec un petit bâton. Dans la seconde, qui varie de deux à quatre ans, il est initié aux mystères de l’art d’écrire ; le maître lui trace un modèle qu’il s’essaie à reproduire sur une feuille de bananier à l’aide d’un char bon qui s’efface facilement. Une fois qu’il possède les élémens de la calligraphie indienne et peut écrire des lettres de formes et de proportions convenables, il apprend à prononcer et à écrire des noms de personnes, de castes, de rivières ; sa jeune mémoire est exercée en même temps à retenir des tables de numération peu compliquées. Ces études conduisent à la troisième période, d’une durée moyenne de deux ou trois ans, qui comprend des études grammaticales et des notions de composition et d’arithmétique. Dans la quatrième période, dont le terme ne dépasse pas deux ans, les études mathématiques sont continuées, l’élève est de plus exercé à formuler des lettres de change, des baux, des contrats de toute espèce, des lettres et des pétitions[1].

Quelque rétrécies que soient les limites de cet enseignement, elles dépassent de beaucoup, il est bon de le remarquer, celles de l’instruction donnée dans la grande majorité des écoles natives de l’Inde. Le bagage scientifique du plus grand nombre des maîtres d’école comprend à peine l’écriture, la lecture et les premières règles de l’arithmétique, sans que les livres manuscrits ou imprimés mis à la disposition des pupilles viennent suppléer à l’insuffisance du pédagogue. L’usage des livres imprimés est inconnu dans les écoles natives des districts du Bengale, et quant aux livres manuscrits, ils ne sont en circulation que dans un petit nombre d’établissemens. Presque partout le système de l’enseignement est purement oral. On doit de plus faire remarquer que les textes rudimentaires qui servent en tous les cas à l’enseignement ne sortent pas des folles légendes

  1. Ce programme d’enseignement est indifféremment suivi dans toutes les écoles natives, qu’elles soient affectées au langage bengali ou au langage indoustani. Dans ces dernières seulement, les commerçans, au lieu de tracer leurs essais sur des feuilles de bananier, exercent leurs petits doigts avec une pointe de fer sur une tablette d’airain ou de bois recouverte d’un léger enduit de chaux.