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censurer, même justement, les ordres de son tuteur, tourner en dérision sa tournure ou son langage, être envieux de sa science, car de pareilles fautes l’exposeraient à revenir sur la terre pour soixante mille ans, sous les espèces d’un âne, d’un reptile ou d’un gros ver. Nous ne pousserons pas plus loin ces citations, bien persuadé, comme nous le sommes, que le régime disciplinaire du Dharma shatra ne renferme aucun germe d’amélioration susceptible d’être introduit dans les collèges de Sainte-Barbe ou d’Éton.

Le patronage accordé par le gouvernement de la compagnie à l’éducation, exclusivement orientale était sans doute d’une politique sage et prévoyante. Aux premiers jours de la conquête, il était in dispensable de ménager les seuls sentimens violens des natifs, de témoigner par des actes que la poignée d’Européens à laquelle une fortune inouïe avait remis le sort de ces vastes contrées n’entendait pas substituer sa religion aux religions établies. L’avenir de la domination anglaise ne pouvait être assuré qu’à ce prix. Toutefois ce système soulevait une objection fondamentale : il propageait à plaisir des sciences et des religions également fausses, il se bornait en un mot à continuer, en le faisant toutefois moins bien, ce qu’avaient fait les empereurs de Dehli, et ce vice radical du système, les passions politiques et religieuses ne manquèrent pas de l’exploiter, comme un sujet redoutable d’accusation, dans toutes les luttes qui s’engagèrent contre l’ascendant de la compagnie des Indes.

Il existe en Angleterre une influence occulte, fatale en plus d’une circonstance à la fortune publique, mais toujours d’un grand poids dans les destinées du pays : c’est l’influence de ce parti moitié religieux, moitié politique, qui, de son quartier-général d’Exeter-Hall, inonde l’univers de ses missionnaires et de ses bibles polyglottes et au rabais. Habiles à exploiter les passions populaires, les saints devaient dès l’origine se poser en adversaires de la politique de l’honorable compagnie des Indes. Au renouvellement de la charte de la compagnie, en 1793, le représentant le plus considérable et le plus ardent des sociétés bibliques, M. Wilberforce, formula leurs exigences dans la question complexe de l’éducation publique et de la propagande chrétienne, en proposant au parlement d’obliger le gouvernement de la compagnie à entretenir des missionnaires chargés de répandre dans ses domaines les vérités chrétiennes. Le parlement n’accepta pas ces mesures trop hâtives, et le bill de M. Wilberforce fut rejeté à une immense majorité. Cet échec ne découragea pas les missions évangéliques, et leurs efforts pour prendre pied sur la terre promise de l’Inde furent couronnés d’un certain succès sous l’administration du marquis de Wellesley. Ce fut ce grand homme d’état qui le premier autorisa la distribution des traductions bibliques