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M. Couture avait trois sujets à traiter, l’assomption de la Vierge, la Vierge étoile des marins, la Vierge consolatrice des affligés. Il faut rendre justice à l’auteur de l’Orgie romaine, il n’a rien emprunté à l’Assunta qui se voit à Venise dans l’académie des beaux-arts; il n’a rien inventé, je le reconnais, mais il n’a rien pris à Titien. L’assomption, telle qu’il l’a conçue, est une composition vulgaire qui n’a rien à démêler avec les maîtres d’Italie. Si l’on veut à toute force découvrir dans cette œuvre un côté original, on n’a qu’à porter son attention sur la tête de la Vierge et sur celle de l’enfant qu’elle tient dans ses bras. On remarque en effet dans ces deux têtes une manière toute nouvelle d’interpréter la tradition chrétienne. Les maîtres d’Italie se croyaient obligés de donner à la Vierge-mère et à son fils un caractère divin, ils choisissaient avec un soin jaloux les plus beaux modèles que la nature leur offrait, et, leur choix une fois fait, ils s’efforçaient d’embellir la femme et l’enfant qui posaient devant eux. M. Couture, qui ne relève de personne, a procédé tout autrement : il n’a pas dû chercher longtemps les modèles qu’il a copiés, et j’ai lieu de penser qu’il n’a pas songé un seul instant à corriger les défauts qu’il avait aperçus. Dans son Assomption, la Vierge et l’enfant Jésus n’ont rien de divin. Pour trouver autour de soi deux têtes d’un type plus élevé, on n’aurait pas à chercher longtemps. Ce dédain pour la beauté virginale et la beauté enfantine peut à la rigueur s’appeler originalité. Peut-être n’est-ce pas le moyen le plus sûr d’obtenir l’approbation des connaisseurs; mais enfin, en suivant cette méthode, le peintre peut se dire : Je ne serai pas confondu dans la foule, on ne m’accusera pas d’un respect aveugle pour la tradition. M. Couture, je m’empresse de le reconnaître, a prouvé victorieusement son indépendance. Il a sans doute voulu démontrer que la tradition chrétienne, pour imposer la foi, n’a pas besoin d’appeler à son secours la pureté des lignes et la finesse de l’expression. C’est une pensée qu’il ne m’appartient pas de juger, et qui doit être soumise aux théologiens. Quant à la question de peinture, question purement humaine, je crois pouvoir l’aborder, et je suis forcé de ranger la Vierge et l’enfant Jésus de M. Couture parmi les œuvres les plus insignifiantes de l’école française. Si l’on consent à ne se préoccuper ni d’élégance ni d’élévation, si l’on ne cherche dans ces deux têtes que la représentation du modèle vivant, on s’aperçoit qu’elles laissent beaucoup à désirer pour la précision des contours. Malheureusement ce n’est pas le seul reproche que nous devions adresser à cette composition. Les anges qui entourent la Vierge, exécutés avec une adresse que je n’entends pas contester, sont d’une blancheur tellement crue, que le manteau bleu du personnage principal se détache au milieu d’eux