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pour se voir prochainement, au milieu des graves circonstances qu’ont créées les infortunes du Danemark, en possession d’un très grand rôle, comparable en vérité à celui qu’elle a déjà rempli aux époques les plus brillantes de on histoire. Ceci nous conduirait à examiner quels rapides progrès a faits tout récemment ce qu’on appelle dans le Nord le scandinavisme, et comment, traitée naguère encore d’imagination littéraire et poétique, cette question est aujourd’hui près d’entrer dans le domaine de la diplomatie. C’est là pourtant un trop vaste sujet, qu’il faut étudier à part ; il nous suffit d’avoir appelé l’attention sur les réformes religieuses et morales que médite, le gouvernement du roi Oscar, d’avoir montré quelle généreuse initiative il a voulu prendre pour éclairer et diriger la conscience publique, et d’avoir exprimé les souhaits pour que la Suède reconquière, grâce aux brillantes ouvertures qui lui sont offertes, un nouvel éclat qui mette d’accord son prochain avenir avec son admirable passé.


A. GEFFROY.




REVUE DRAMATIQUE

L’histoire est maintenant presque abandonnée par les auteurs dramatiques ; leurs études paraissent concentrées sur le demi-monde, et la curiosité des femmes pour qui le devoir n’est pas un vain mot vient en aide à cette dépravation littéraire. J’ai toujours cru, je crois encore que la critique doit se dégager de toute pruderie. Proscrire d’une manière absolue tel ou tel modèle, c’est se condamner à l’injustice. Dans la peinture même du demi-monde, il faut savoir reconnaître le talent. En pareil cas, l’indulgence est sans danger, pourvu que l’éloge soit accompagné de conseils. Le talent une fois reconnu, le bon sens veut qu’on lui désigne un but plus élevé. Malheureusement la louange s’est trop souvent produite sans conseil. Le talent n’a pas été seulement accueilli avec bienveillance, mais exalté et le demi-monde a pris possession du théâtre. Sur les sujets empruntés au demi-monde, il serait assez difficile d’engager la discussion. À la première objection un érudit vous arrêterait : « Vous parlez de choses que vous ignorez, ou que vous avez tout au plus entrevues. » Et devant cet argument il faudrait s’incliner. Tant que les auteurs dramatiques resteront sur ce terrain, il sera plus sage de ne pas s’occuper d’eux. Les questions littéraires n’ont rien à démêler avec ce genre de travail. Toutefois il y a lieu d’espérer que la curiosité ne tardera pas à se lasser : le thème commence à s’épuiser, et la comédie sera bientôt forcée de s’adresser aux classes de la société qui ne conçoivent pas le bonheur sans les obligations de la famille. Alors, mais alors seulement il sera permis de traiter sérieusement les œuvres dramatiques. Les érudits du demi-monde n’imposeront plus silence à la discussion. Aujourd’hui nous serons fort empêché pour parler des comédies qui s’écrivent et se récitent. Les personnages mis en scène sont tellement étrangers à la vie commune, que l’esprit le plus attentif, ne sait comment les juger. Ils s’engagent dans une suite d’aventures, s’enrichissent par la trahison ou s’avilissent par un attachement, obstiné pour une femme perdue qu’ils décorent du nom de