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d’un enchaînement logique ne s’est pas présentée à l’esprit de ceux qui distribuent les travaux de peinture murale, ou qui indiquent les sujets à traiter. Il n’y a qu’une manière de comprendre la place assignée aux diverses compositions dont je viens de parler : c’est d’admettre qu’on a commencé par la première chapelle à droite et fini par la première chapelle à gauche, sans se préoccuper des pensées représentées par les personnages mis en scène. Après l’Évangile, que personne ne pouvait exclure, on a songé aux saints, et la discussion s’est engagée. Saint Louis et saint Charles, saint Séverin et sainte Geneviève ont trouvé d’habiles avocats, et, leur droit une fois reconnu, on ne s’est pas inquiété de savoir quelle place on leur donnerait.

Si le morcellement des travaux n’était pas condamné depuis longtemps, la décoration de Saint-Séverin fournirait à ceux qui le déclarent dangereux un argument décisif. Ici en effet, nous ne trouvons pas seulement la diversité des styles, mais la diversité des pensées. A-t-on craint que l’unité n’engendrât la monotonie? On a certainement réussi à conjurer le péril; la variété règne en souveraine absolue, il y a même de l’imprévu, et nous aurions accueilli sans regret une suite de compositions oh l’imprévu n’aurait joué aucun rôle. L’histoire de l’église n’est pas toujours d’accord avec les principes de l’Évangile : c’est une vérité qu’il n’est plus permis de mettre en doute. La foi telle que la comprenaient Charles IX et Philippe II s’est traduite en événemens que la peinture murale ne peut aborder dans une chapelle. La France à cet égard ne serait pas aussi tolérante que l’Italie. Si la ville de Paris s’avisait de faire peindre dans une de nos églises le massacre de la Saint-Barthélémy, elle exciterait une indignation universelle, et pourtant George Vasari a représenté la Saint-Barthélémy dans une salle du Vatican, entre la chapelle Sixtine et la chapelle Pauline, et les Romains passent avec indifférence devant cette composition odieuse et vulgaire. Néanmoins, s’il y a dans l’histoire de l’église des sujets dangereux que le bon sens interdit à la peinture, il y a aussi des actions héroïques, de sublimes dévouemens, qui seraient pour la génération nouvelle une leçon très opportune. Quand on entend des hommes à peine parvenus à la virilité parler avec un dédain superbe de tout ce qui n’est pas le bien-être matériel, il ne serait pas inutile de leur rappeler les grandes choses accomplies au nom du droit et de l’abnégation. L’Ancien et le Nouveau-Testament ne doivent pas seuls servir à la décoration de nos églises : l’histoire de la religion peut fournir à la peinture murale des sujets nombreux et variés; mais pour mettre en œuvre, pour traduire par le pinceau les données que nous offre cette histoire, il faudrait savoir d’avance ce qu’on fera, et ne pas