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suffrages ; les compositions qu’il a exécutées à Saint-Séverin sont quelque chose de mieux que des promesses. On y trouve déjà la preuve d’un esprit exercé qui s’applique à saisir toutes les conditions imposées par le sujet. Il n’y a pas à craindre qu’un artiste animé d’un tel respect pour la pensée produise des œuvres vulgaires. La Peste de Milan excite dans l’âme du spectateur un vif sentiment de pitié, et la charité passionnée de saint Charles Borromée donne à cette scène navrante un caractère évangélique. Que M. Jobbé persévère dans la route qu’il a choisie, et nous serons heureux d’appeler sur lui l’attention et la sympathie.

Après avoir étudié la décoration des chapelles de Saint-Séverin, si l’on se demande quelle pensée a présidé à la distribution de ces travaux, on est assez embarrassé. Il est probable que les sujets à traiter ont été indiqués successivement. Sans pouvoir rien affirmer à cet égard, je suis amené à le croire en voyant dans quel ordre sont disposés les épisodes évangéliques et les épisodes historiques. Je ne m’étonne pas de trouver le baptême du Christ à l’entrée de l’église ; le mariage de la Vierge n’a rien d’inattendu après l’accouchement de sainte Anne ; saint Pierre et saint Paul se rattachent naturellement aux scènes que nous venons de voir. Madeleine répandant des parfums sur les pieds du Christ nous ramène aux récits évangéliques ; la cène achève la série commencée. Puis nous voici devant sainte Geneviève et les deux saint Séverin ; nous entrons dans la légende. Est-ce une série qui va se poursuivre ? On avait le droit de l’espérer ; mais les trois dernières chapelles n’ont rien de légendaire. La communion de saint Jérôme et la peste de Marseille, la mort de saint Louis et la peste de Milan, sont des événemens très réels, dont l’authenticité n’a jamais été mise en question. Il y aurait donc trois parts à faire dans la décoration de l’église : l’Evangile, la légende, l’histoire. Cette division une fois admise, il resterait à expliquer pourquoi saint Jérôme et Belzunce se trouvent l’un en face de l’autre, pourquoi Belzunce est séparé de saint Charles Borromée par saint Louis ? De quelque manière qu’on envisage la succession des sujets, il est impossible d’y découvrir un ordre logique, un ordre préconçu. La fondation de la Sainte-Chapelle et la mort de saint Louis ne peuvent avoir qu’une destination, l’expression de la foi, tandis que le dévouement de saint Charles Borromée, de Belzunce, exprime la charité. Pourquoi donc n’a-t-on pas rapproché les compositions qui traduisent la même pensée ? Le parti que j’indique était conseillé par le bon sens. Sainte Geneviève distribuant des aumônes avait sa place marquée entre l’évêque de Milan et l’évêque de Marseille, car en pareille occasion l’analogie des sentimens a plus d’importance que la chronologie ; mais la nécessité