par M. Richard-Henri Dana, dans un meeting tenu à Cambridge en l’honneur de M. Sumner, et auquel assistaient toutes les notabilités littéraires et politiques de la Nouvelle-Angleterre :
« Le dernier recensement, a dit M. Dana, a démontré ce que beaucoup avaient avancé, ce que peu de personnes croyaient réellement, à savoir que, sous les apparences d’une république, les États-unis sont aujourd’hui, et depuis longtemps, gouvernés par une oligarchie. Les états libres comptent aujourd’hui 17 millions d’hommes libres et pas un seul esclave ; les états à esclaves comptent 4 millions d’esclaves possédés par 350,000 maîtres. Ce sont ces 350,000 maîtres qui possèdent et le sol et les travailleurs, et ce sont eux qui monopolisent le gouvernement des états à esclaves. Or, pour résumer d’un seul mot toute notre histoire, une question ne s’est jamais élevée au sein du congrès entre l’influence des hommes libres et l’influence des propriétaires d’esclaves, sans que ceux-ci aient eu l’avantage. Nos 17 millions d’hommes libres ont-ils en eux assez de force, assez de vertu pour établir leur égalité politique, pour consommer leur propre affranchissement, pour renouveler la politique nationale et racheter l’honneur du pays, pour faire de la liberté la règle et de l’esclavage l’exception, et pour assurer à la liberté la possession de l’avenir national ? »
Le nord ne se propose point de prendre l’offensive : il respectera scrupuleusement les droits des hommes du sud, et laissera ceux-ci maintenir l’esclavage à leurs risques et périls ; mais il ne veut plus souffrir que le sud empiète sur le domaine de la liberté et impose l’esclavage à des populations qui le repoussent. Il entend que la politique tout entière de la confédération, les questions de paix et de guerre, les bons rapports avec l’étranger, ne soient plus subordonnés aux intérêts de l’esclavage. Il faut que les États-Unis soient une école de liberté et non de servitude ; il faut donc ramener la république dans la voie que lui avaient tracée ses fondateurs. C’est dans cet esprit que les hommes les plus influens de la Nouvelle-Angleterre, puissamment secondés par une fraction considérable du clergé, se sont efforcés de constituer un parti nouveau en réunissant sous une bannière commune les débris du parti whig, les abolitionistes modérés et la masse des free-soilers. Ce nouveau parti a pris le nom de républicain, et s’est mis aussitôt en quête d’un candidat qui eût une notoriété suffisante et qui ne portât l’attache d’aucun des anciens partis. C’est alors que dans le Vermont et dans le New-Jersey on prononça le nom d’un homme qui appartient au sud par sa naissance et son mariage, et au nord par ses opinions, d’Un homme jeune encore, que ses services, son caractère et ses aventures romanesques ont rendu célèbre, le colonel Fremont. L’explorateur qui a conquis la Californie à l’Union, le hardi pionnier qui, au péril de ses jours, a enseigné aux émigrans la route du Pacifique, vit aujourd’hui dans un village de l’état de New-York, après avoir sacrifié à ses opinions