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avoir essayé inutilement d’organiser de nouvelles entreprises contre Cuba, tournèrent d’un autre côté leurs vues envahissantes.

Il était temps pour eux d’aviser. Le sud, au bout de dix ans, se retrouvait dans la situation difficile d’où il était sorti une première fois en imposant à la confédération la conquête du Texas : la terre lui manquait. Le compromis de 1850, en érigeant le Nouveau-Mexique en territoire, avait laissé à ses habitans la faculté d’autoriser ou d’interdire l’esclavage. Il y avait plus de vingt ans que l’esclavage avait été aboli dans le Nouveau-Mexique par la constitution mexicaine, et la population, composée en partie de métis et de sangs-mêlés, avait toujours montré la plus vive répugnance pour le rétablissement de la servitude : sa décision ne pouvait être douteuse du moment qu’on la laissait maîtresse de manifester sa préférence. Le climat du Nouveau-Mexique était d’ailleurs trop froid pour permettre d’introduire dans ces régions montagneuses aucune des cultures pour lesquelles le travail esclave offre des avantages. Les planteurs du sud avaient dû renoncer à s’étendre de ce côté. La nature du sol et la difficulté des communications avaient également arrêté leurs progrès dans le Texas, et ce nouvel état, qui avait donné de si grandes espérances, ne se développait pas assez vite pour qu’il fût de longtemps possible de le diviser en deux. Il était indispensable cependant de créer promptement de nouveaux états à esclaves, si l’on ne voulait voir l’équilibre entre l’esclavage et la liberté rompu pour toujours au préjudice du sud. Depuis l’admission de la Californie, l’Union comptait trente et un états, dont seulement quinze états à esclaves ; encore le Delaware, qui ne renferme plus que 10 ou 12,000 esclaves, vote-t-il presque toujours avec les états libres. Le nord avait donc déjà l’avantage ; mais l’avenir devait encore augmenter singulièrement la disproportion des forces. Le Nouveau-Mexique allait prochainement réclamer son élévation au rang d’état ; l’Orégon se peuplait depuis qu’on était mieux renseigné sur la fertilité et les ressources de son sol ; le Minnesota, limitrophe du Wisconsin et érigé en territoire en 1849, se développait avec une grande rapidité, grâce au voisinage du Canada, et les pionniers de l’ouest en avaient déjà dépassé les limites. Enfin en mars 1853 il avait fallu constituer, au nord de l’Orégon, un second territoire sous le nom de Washington. Avant peu d’années, probablement avant 1860, le nord allait donc faire admettre coup sur coup dans l’Union quatre états libres. Le développement du sud semblait au contraire arrêté à jamais ; partout l’esclavage rencontrait une barrière infranchissable : ici les états libres, là les flots de l’Océan, ailleurs les montagnes du Nouveau-Mexique. Un seul point, à l’extrémité nord-ouest du territoire occupé par l’esclavage, aurait pu offrir un débouché : les planteurs du Missouri voyaient s’étendre devant eux les fertiles