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L'ABOLITIONISME


ET


L'ELECTION DU PRESIDENT AUX ETATS-UNIS





Pendant près d’un demi-siècle, l’Europe n’a entendu parler des États-Unis que pour apprendre qu’il existait par-delà l’Atlantique une nation libre et tranquille, uniquement adonnée aux arts de la paix, croissant avec une rapidité merveilleuse, offrant le spectacle d’une prospérité sans exemple. Des partis divisés par d’insaisissables nuances, unanimes sur toute question d’honneur ou d’intérêt national, mesurant leurs forces dans les luttes pacifiques du scrutin, acceptant la victoire sans exaltation et la défaite sans murmures, tel était le seul tableau qu’eût à tracer l’historien. Aujourd’hui tout bruit qui vient d’Amérique nous apporte l’écho de querelles acharnées, comme un retentissement lointain de la guerre civile. Journaux du nord et journaux du sud n’échangent que des provocations et des menaces. Au lieu des noms de partis familiers à tous, on rencontre mille désignations bizarres sous lesquelles s’abritent des rancunes personnelles et de misérables rivalités. Le seul trait qui semble commun à toutes les opinions, c’est une égale ardeur à mettre en péril cette union qui fait la force et la grandeur du peuple américain. Un tel changement ne pouvait manquer de frapper les esprits, et il mérite assurément d’être expliqué. Nous ne croyons pas nous tromper en avançant que, si la compétition des opinions a changé de caractère aux États-Unis au point de créer un danger national, c’est qu’elle a changé aussi de terrain et de nature. Il y’a quelques années, en essayant de résumer l’histoire des partis qui divisaient