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ce moment, nous n’exportons des articles similaires que pour 18 millions. Que nous ayons la fonte, le fer et l’acier à aussi bas prix que les Anglais, et on verra si nous garderons cette humble position en face des exportations de l’Angleterre.

C’est plus encore cependant au point de vue de l’intérieur qu’il serait utile de supprimer les droits sur les fontes, les fers et les aciers. Si l’on veut avoir une idée du développement que peut acquérir la consommation du fer dans un grand état par le moyen du bon marché, nous n’avons qu’à interroger l’Angleterre ; par contre, la France nous montrera comment, lorsque les prix restent élevés, cette consommation est lente à s’étendre. Il y a cinquante ans, lorsque M. Héron de Villefosse écrivit son bel ouvrage de la Richesse minérale, il y fit figurer la France pour 238,000 tonnes, et l’Angleterre pour 265. Les deux pays, on le voit, marchaient alors à peu près de pair. De puis lors, la production du fer en Angleterre a subi une marche prodigieusement rapide. Évaluée en fonte brute, elle s’élève aujourd’hui à plus de 3 millions de tonnes ; un quart des produits est exporté, mais il en reste environ. 2,400,000 tonnes de fonte brute, ou l’équivalent en fers, pour le marché intérieur. La production de la France a subi une progression bien moins rapide. Aujourd’hui nous en sommes à 800,000 tonnes de fonte à peine. D’où cette différence, sinon de ce que les prix chez nous sont restés trop élevés ? Sous l’impulsion de prix modérés, l’emploi de la fonte et du fer en Angleterre s’est étendu à une multitude d’usages ; chez nous, par la cause opposée, il s’est peu généralisé. La consommation de l’agriculture française en fer est tout à fait exiguë, et c’est une des causes les plus actives de son infériorité.

Ce fut par un acte essentiellement politique, et sous la pression de certaines influences que je ne veux pas qualifier ici, que, le gouvernement de la restauration, en 1814, aggrava démesurément les droits sur les fontes, fers et aciers, en promettant solennellement de les réduire à une des sessions prochaines, tant il sentait que la cherté de ces articles était dommageable à l’intérêt public. Au lieu de cela, il les rendit plus lourds, et le gouvernement de 1830 ne les allégea que dans une proportion médiocre. Aujourd’hui, pour les fers en barres, les droits sont à peu près triples de ce qu’ils étaient sous le premier empire. Et quel est le produit net de cette condescendance pour quelques intérêts privés qu’on nous présente comme la protectrice du travail national ? Le voici. La fabrication des fers n’a reçu qu’une extension médiocre en comparaison de celle qui aurait eu lieu, si les choses eussent été laissées à leur cours naturel, ou l’eussent été ramenées après un petit nombre d’années. Le travail national a perdu la production d’une masse considérable de fers