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les blés n’y sont plus que des droits de balance ; les droits sur la mercerie, la poterie, la cordonnerie, les bronzes, les modes et en général tous les articles manufacturés l’ont été fixés à un taux fort modique, de 10 pour 100 au plus, si bien que le marché britannique, qui, avant les réformes de 1842 à 1846, ne recevait de nos produits que pour une centaine de millions, en a absorbé en 1855 pour 307 millions. Il doit savoir que ce système libéral a été appliqué non pas seulement à la métropole, mais aussi bien aux colonies que l’Angleterre a éparses sur tous les continens et dans tous les parages. Ses collègues au conseil-général du Nord pour les cantons de Dunkerque et de Gravelines ne lui auront pas caché qu’ils trouvaient en Angleterre le même traitement que le pavillon national, qu’ils faisaient, pour l’Angleterre, sans surtaxe, la navigation non-seulement étrangère, mais coloniale, que le cabotage même venait de leur être livré sans aucune différence avec les navires britanniques.

Voilà ce qu’il n’a tenu qu’à M. Mimerel de connaître en détail, ce qu’il n’est pas possible qu’il ignore, lui si grand partisan des enquêtes préalables. Pour tout homme qui n’a pas un prisme devant les yeux, cette conduite n’est pourtant pas celle d’une nation qui machinerait la ruine de nos industries. Certes, en apportant ces grands changemens à sa législation commerciale, l’Angleterre a recherché la satisfaction de ses intérêts propres, et l’événement a prouvé qu’en cela elle avait été bien inspirée ; mais on ne peut nier que les mesures qu’elle a adoptées ne soient éminemment favorables aussi aux intérêts français, et ce n’était pas le lieu d’incriminer sa politique. Si jamais un gouvernement a mérité les applaudissemens du monde, c’est celui de l’Angleterre en cette circonstance. Et que diraient donc les prohibitionistes, si les rôles étaient renversés, si c’était le gouvernement français qui eût ouvert, sans demander aucune réciprocité, toute l’étendue de notre territoire aux productions de l’Angleterre affranchies de droits ou tarifées seulement à 10 pour 100 ? Que diraient-ils même, si ce changement dans notre tarif était limité aux articles dans lesquels il est notoire que nous excellons, les modes, les bronzes, les toiles peintes un peu au-dessus du commun, les articles de Paris, les soieries, les mérinos ? Ils feraient déborder le torrent de leurs métaphores ; M. Mimerel répéterait, avec un redoublement de solennité, ce qu’il a dit Il y a vingt ans quand on a laissé entrer les cotons filés du n° 143 et au-dessus, et Il y a trois ans quand on a autorisé l’entrée sous un droit de 30 pour 100 des cotonnettes de Belgique : que la fabrication de tous ces articles est perdue pour la France. Il le dirait, qu’il me permette de l’ajouter, avec tout aussi peu de fondement, car on sait ce qui est advenu de toutes ses pré dictions sinistres : la fabrication des fils de coton du n° 143 et au-dessus