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pas impossible ; des faits semblables se passent tous les jours entre les différens états. Combien de fois en France les chambres de commerce n’ont-elles pas pétitionné pour que le gouvernement facilitât l’écoulement des marchandises françaises à l’étranger, et à cet effet demandât des changemens à la législation douanière des autres peuples ! et combien de fois les agens de la France à l’étranger n’ont-ils pas été chargés de présenter des observations dans ce sens aux gouvernemens près desquels ils étaient accrédités ! En supposant donc que, sur la demande de la chambre de commerce de Man chester, lord Clarendon eût appelé l’attention du gouvernement français sur les exagérations de notre tarif, ce ne serait que la répétition de ce qui se pratique journellement en Europe, et dont la France a offert cent fois l’exemple. Ce n’était pas le lieu de s’émouvoir. M. Mimerel a, je n’en doute pas, la volonté d’être juste en vers tout le monde, même envers les Anglais ; pourquoi donc, lorsqu’il les fait apparaître, les place-t-il tant à contre-jour ? La démarche qu’il attribue au commerce de Manchester n’est pas la seule qui ait été faite dans cette importante cité au sujet des échanges avec la France. On l’a, par exemple, formellement sollicité, par une pétition au parlement, la suppression du droit protecteur de 5 à 15 pour 100 dont restent frappées en Angleterre les soieries françaises, et eux-mêmes, les fabricans anglais de soieries, se sont associés à cette démonstration. Cette attitude vis-à-vis de l’indus trie française n’est pourtant point celle de gens qui aspirent à affamer la population de nos ateliers, afin que la Beauce, la Normandie et la Bretagne ne soient plus labourées que pour nourrir les ouvriers anglais ; Puisque M. Mimerel voulait bien s’occuper de l’éducation des manufacturiers français au sujet des dispositions de l’Angleterre en vers eux, et des effets qu’aurait pour l’industrie nationale la levée des prohibitions, il aurait pu leur rappeler un fait sur lequel ils ne sont pas suffisamment édifiés, et qui ne laisserait pas de les éclairer sur leurs devoirs envers leur pays et envers eux-mêmes, à savoir que lors que le gouvernement anglais avait opéré la grande réforme douanière de 1842 et 1846, il avait non-seulement aboli ce qui restait de prohibitions, mais encore réduit à un taux modique et dans plusieurs cas complètement supprimé les droits sur les marchandises étrangères, sans demander la réciprocité à personne, non par l’effet d’un de ces sentimens d’abnégation irréfléchie dont la politique n’est pas la place naturelle, mais parce qu’il avait considéré ce qui est éminemment vrai dans la situation actuelle des choses parmi les peuples civilisés, que, par elle-même, la liberté du commerce est un grand bien, une source de travail et de richesse pour les états, indépendamment des changemens que l’étranger peut, en retour, apporter à son