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dans un style plus élevé. Pour réaliser cette transformation, il suffirait de quelques chapelles où le pinceau aurait retracé des scènes bibliques en faisant une part à peu près égale aux personnages et au théâtre de l’action. Une telle espérance n’a rien de chimérique. Dans tous les temps, la peinture murale a exercé sur le style dominant une action salutaire. Aujourd’hui les paysagistes se croient dispensés d’inventer. Quand ils ont copié avec adresse un chêne ou un bouleau, une mare ou une broussaille, ils croient avoir touché le but suprême et attendent les applaudissemens. Le paysage biblique fait de l’invention une condition impérieuse : c’est pourquoi je le recommande aux encouragemens de l’autorité municipale.


La décoration intérieure de Saint-Séverin, commencée depuis longtemps, n’est pas encore terminée; mais comme il ne reste à découvrir que les peintures de M. Mottez, on peut dès à présent se prononcer sur le mérite de cette décoration. Quand on connaît les antécédens des artistes chargés de cet important travail, on ne s’étonne pas de l’extrême variété qui distingue les douze chapelles dont nous avons à parler. La diversité des styles arrivée à ce point n’est plus un attrait, mais une contrariété trop facile à comprendre, et l’on est naturellement amené à se demander comment on a choisi pour décorer une église des hommes qui suivent des doctrines contradictoires. A côté de MM. Hippolyte et Paul Flandrin, nous trouvons MM. Heim et Schnetz. Or tous ceux qui ont étudié les œuvres de l’école française depuis vingt-cinq ans savent très bien que ces quatre noms représentent des idées qui n’appartiennent pas à la même famille. Le choix de MM. Flandrin est un choix judicieux, tous les esprits éclairés se plaisent à le reconnaître. Ces deux artistes laborieux étaient désignés par la nature de leurs études et le caractère élevé de leurs ouvrages. Familiarisés avec les peintures murales de l’Italie, sans posséder une véritable originalité, ils ont su cependant profiter de ce qu’ils ont vu avec une sorte de liberté. Ils n’ont pas copié servilement ce qui avait formé leur goût pour éviter de se tromper. Sans doute ils n’occuperont pas une grande place dans l’histoire, mais l’élégance et la sévérité de leur style leur assurent parmi les contemporains un rang très honorable. Ils respectent la tradition et savent se passer du lieu commun; c’est un genre de mérite dont il faut tenir compte. M. Heim ne possède guère que des qualités négatives. Il n’y a pas un de ses ouvrages dont le public ait gardé le souvenir. Prudent et mesuré dans toutes ses conceptions, il ne blesse personne et n’étonne jamais. Je n’ai pas entendu dire qu’il excite l’envie, et je le comprends sans peine. Ses ouvrages sont accueillis avec une telle indifférence, qu’ils ne doivent troubler le som-