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de bois artistement taillée à laquelle manque la couleur et le vernis-, je crois qu’il y manque quelque chose de plus. Cet ouvrage était le résumé d’un certain nombre de publications sur la porcelaine. Il y était question des fabriques disséminées sur tous les points du Céleste-Empire, mais particulièrement de la manufacture de King-te-tchin. Le gouverneur voulut écrire lui-même la préface du livre qu’on allait imprimer. On y reconnaît sans surprise l’exagération d’un courtisan. « Les saints hommes de l’antiquité[1], en inventant et fabriquant des vases, n’ont eu en vue que l’utilité et l’intérêt du peuple, et ils ont pensé que, dans la confection des ustensiles qui lui servent chaque jour pour boire et pour manger, il n’était pas nécessaire de déployer toutes les ressources de l’esprit et du talent ; mais depuis que notre auguste empereur comble les ouvriers de bienfaits et rétribue libéralement leur travail sans leur imposer de pénibles fatigues, le peuple vit en paix, et son bien-être s’accroît sans cesse ; il travaille avec ardeur, et les vases qui sortent de ses mains ne laissent rien à désirer. La population de King-te-tchm augmente à vue d’œil, et les porcelaines qu’elle produit acquièrent chaque jour plus de finesse et de beauté. Il n’y a personne qui ne fasse tous ses efforts et ne tressaille de joie. »

Le zélé mandarin oublie que ses flatteries seront démenties par les pages qui vont suivre, car les archéologues chinois proclament eux-mêmes que les anciennes fabriques ont élevé l’art à une perfection dont les âges plus récens ont perdu le secret. L’industrie n’a aujourd’hui d’autre ambition que d’imiter les vieux modèles, et elle est loin d’y réussir, tant il est vrai que le progrès et la décadence sont une loi fatale, même chez le peuple qui possède par excellence le respect de la tradition.

Les auteurs chinois s’accordent à placer l’invention de la porcelaine entre l’an 185 avant Jésus-Christ et l’an 87 de l’ère chrétienne. Avant cette époque, la Chine ne connaissait que les vases en terre cuite et en bronze. Telle n’était point l’opinion de savans étrangers qui avaient trouvé des petits flacons en porcelaine dans les tombeaux égyptiens. Les tombeaux remontaient à dix-huit siècles avant notre ère, et, comme les flacons portaient des caractères chinois, Rosellini, Wilkinson, Davis en concluaient que la Chine avait connu la porcelaine dès le temps des Pharaons. M. Stanislas Julien a clairement démontré que les Chinois ont employé successivement six sortes d’écriture dont les dates sont précises. Les signes tracés sur les flacons appartiennent à la quatrième période et furent inventés par un eunuque de l’empereur Youen-ti, de l’an 48 à l’an 33 avant Jésus-Christ ;

  1. Traduction de M. Stanislas Julien, p. 120.