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XVe siècle, ils n’ont à espérer aucun changement dans l’opinion des spectateurs. Le jugement prononcé sur leur ouvrage sera difficilement réformé. L’imitation de la nature, qu’ils dédaignent résolument, donne à la chapelle voisine un attrait qui manque à leurs compositions, et leur maladresse, bien que volontaire, devient un sujet de reproche, comme s’ils ne pouvaient pas mieux faire.

J’en ai dit assez pour établir nettement l’importance de l’unité dans la décoration des églises. La vérité du principe une fois reconnue, le plus sage ne serait-il pas de ne rien négliger pour en assurer le triomphe ? Excellente dans l’industrie, la division du travail est toujours périlleuse lorsqu’il s’agit d’une œuvre d’imagination. Une seule pensée, une seule volonté choisissant librement leurs interprètes, c’est à cette condition que la peinture murale prendra chez nous le rang qui lui appartient. En persévérant dans la voie où elle est entrée, la ville de Paris s’expose à dépenser des sommes considérables sans profit bien évident pour l’école française. Les ouvrages recommandables qu’elle pourra obtenir en échange de ses sacrifices n’élèveront pas d’une manière bien marquée le goût public. Or les œuvres d’art exécutées aux frais de la foule doivent servir au développement intellectuel de la foule. Pour qu’elles répondent à leur destination légitime, il faut qu’elles suscitent des pensées supérieures aux pensées dont se compose la vie commune. Le plus sûr moyen de toucher le but, lorsqu’il s’agit de peinture murale, est de placer devant nos yeux une suite de scènes conçues par une seule intelligence, exprimant toutes des idées du même ordre, des sentimens de la même nature, ou du moins appartenant à la même famille. Si d’une part le choix des sujets est abandonné au clergé de chaque paroisse, si d’autre part les compositions, au lieu d’être conçues par une seule intelligence, sont livrées au caprice d’une légion de peintres, il est à peu près impossible que la décoration d’une église produise une impression durable et salutaire. Les efforts individuels compensent rarement l’absence d’une direction commune. Qu’une volonté souveraine vienne régir toutes ces intelligences, qu’elle les pousse vers un but unique, et l’œuvre accomplie par des mains obéissantes remuera profondément l’âme des spectateurs. Ce qui se passe aujourd’hui ne ressemble guère à l’avenir que je rêve pour la peinture monumentale. Le spectateur curieux et attentif, après avoir visité toutes les chapelles d’une église, n’emporte le plus souvent qu’une impression confuse. Il approuve ou désapprouve telle ou telle manière ; la contradiction des styles ne se prête guère à l’émotion. Pour apprécier chaque scène, il ne s’agit pas seulement de connaître le sujet : c’est un nouveau choix de lignes et de couleurs auquel il faut habituer ses yeux ; c’est