Le docteur Bentley, désirant exposer le système du monde sous une forme populaire, et prouver par l’arrangement admirable de l’univers l’existence de Dieu, sa bonté et sa sagesse, voulut lire le livre des Principes. Il écrivit donc à Newton pour lui demander quelques instructions, et savoir si, avant d’entreprendre la lecture de ses ouvrages, il était nécessaire de réunir quelques connaissances préliminaires. Newton lui répondit par une liste de quinze à vingt volumes dont chacun ne peut être compris qu’après des études longues et difficiles, et le docteur Bentley se découragea. Un autre jour, lord Halifax le priant de lui expliquer son système sans employer les mathématiques, qu’il ne comprenait point, Newton lui répondit que c’était une chose impossible. Tous ceux qui ont tenté une exposition usuelle des vérités astronomiques ont peu réussi, et Laplace a fait un ouvrage admirable, mais moins clair pour ceux même qui savent calculer que les traités d’astronomie mathématique ; quant aux autres, ils ne le comprennent pas. Lord Brougham, qui a publié récemment un volume sur les Principes, malgré toute la clarté, la sagacité et la vivacité de son excellent esprit, n’a pas su éviter les formules, et on ne peut songer à recommencer de telles tentatives, car pour être plus heureux il faudrait être plus habile. Le livre des Principes a instruit le monde, et depuis cette publication les hommes ne vivent plus dans un univers mystérieux ; ils connaissent les forces qui les entraînent dans l’espace. Ce livre pourtant n’est pas précisément une énumération de vérités sublimes qui frappent aussitôt l’esprit par leur clarté autant que par leur grandeur. L’ouvrage se divise en trois parties. Les deux premières ne parlent que des lois du mouvement, d’abord dans l’espace, puis dans un milieu résistant. Ce sont des traités de mécanique qui paraissent ne se rapporter en rien au but de l’ouvrage. Le troisième livre seul expose le système du monde. Il est bien entendu que nous ne parlerons guère que de celui-ci, quoique les deux premiers en soient la base véritable, et lui donnent cette qualité, rare partout, même dans les ouvrages scientifiques, et qui distingue avant toutes choses, il ne faut pas l’oublier, toutes les découvertes de Newton : la certitude.
Un seul homme ne découvre jamais toute une science, ni même une grande vérité. Toutes les découvertes ont été pressenties ou en revues avant d’être démontrées. Pour avoir une idée juste d’un inventeur, il faut ne pas ignorer ce qu’on avait fait avant lui, et où en était la science qu’il a perfectionnée. Depuis les prêtres égyptiens, depuis Pythagore et Hipparque, les astronomes n’étaient pas restés oisifs, et il est digne de remarque que les hommes étudient les