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élève médiocre. Son plus réel talent était la boxe, où il excellait, et comme le caractère patient et doux que ses panégyristes ont su trouver en lui ne perçait pas encore, il donna souvent des preuves de sa supériorité en ce genre. Un autre talent s’était montré dès sa jeunesse avant son voyage à Grantham, c’est l’habileté dans toutes les parties de la mécanique pratique, habileté que l’on a reconnue chez tous les mathématiciens, chez Leibnitz par exemple. On montre encore, ou du moins l’on a longtemps montré à Woolsthorpe, un moulin à vent, une voiture se dirigeant elle-même, une horloge à eau, etc., que Newton construisit dans son enfance, lorsque ses goûts, un peu solitaires et taciturnes, l’éloignaient de ses camarades. Il fit même sur les cerfs-volans et sur le point où la ficelle doit être attachée, sur la rapidité du vent et la manière d’en mesurer la force, des expériences que l’on a décrites avec soin et où l’on sait voir des signes précurseurs de son génie futur, sans songer que ces goûts et ces talens se rencontrent chez la plupart des enfans et sont accompagnés, chez Newton même, d’une passion pour le dessin, pour la peinture et pour les vers, qu’il faisait fort bien, au dire de son neveu, M. Conduitt. Et pourtant il accusait plus tard son ami lord Pembroke, le protecteur éclairé des arts en Angleterre, d’avoir du goût pour les poupées de pierre (stone dolls), et dans son âge mûr il pensait sur les poètes et la poésie comme Malebranche.

Newton ne logeait pas seul dans la maison de M. Clark, et, durant les sept années qu’il y passa, il vit souvent et distingua parmi les locataires une jeune personne, miss Storey, sœur d’un médecin da Buckminster et fille de la seconde femme de M. Clark. Elle était de deux ou trois ans plus jeune que lui, et l’on fait des descriptions charmantes de sa beauté et de ses talens. Newton préférait, assure-t-on, sa société à celle des jeunes garçons de son âge, et longtemps après, à l’âge de quatre-vingt-deux ans, après deux mariages, elle avouait au docteur Stukely que Newton l’avait aimée et que des raisons de fortune, insurmontables pour tous deux, les avaient seules empêchés d’être l’un à l’autre. Elle s’était mariée malgré elle, pour obéir à ses parens inquiets, et s’était consolée ; mais Newton ne l’oublia point. Toute sa vie il la visita quand il put, et l’aida souvent de ses conseils comme de son argent. La fidélité, plus que la sécheresse, serait donc la cause de la longue indifférence qu’on a reprochée à Newton ; il faudrait renoncer à nier, comme on l’a trop fait, le cœur des mathématiciens, et admettre l’alliance si naturelle d’une passion vive et d’une raison sûre.

Quoi qu’il en soit, Newton, âgé alors de quinze ans, avait terminé ses études à Grantham. Il revint à Woolsthorpe, où il retrouva sa mère. M. Smith était mort en 1656, et Mme Smith était revenue dans