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moissons trop nombreuses la Genèse, les prophètes et l’Evangile ? Si Bologne et Parme ont trouvé moyen d’intéresser après Rome et Florence en puisant aux mêmes sources, pourquoi la France n’aurait-elle pas le même bonheur ?

Je n’insisterais pas sur ce point, si le choix des sujets proposés aux peintres de nos jours pour la décoration des églises de Paris n’expliquait le caractère inanimé d’un grand nombre de compositions. Il y a telle scène en effet qui, entre les mains du plus habile, doit demeurer sans attrait. Pour exciter, pour enflammer l’imagination, il faut des personnages dont la vie se rattache à de grands événemens, à des prodiges devenus populaires, gravés dans la mémoire de tous. Or les programmes discutés en conseil de fabrique avant d’être distribués par les bureaux de la préfecture ne satisfont que bien rarement à cette condition impérieuse. C’est pourquoi, en parlant de Saint-Séverin, de Saint-Eustache et de Saint-Philippe-du-Roule, nous serons forcé de traiter avec indulgence la conception, et de réserver la sévérité pour l’exécution des figures. C’est la seule manière d’arriver à la justice. En procédant autrement, nous serions à peu près sûr de nous égarer. Il y a dans le côté plastique des figures de quoi défrayer la discussion. L’école française est aujourd’hui livrée à l’anarchie. Les principes défendus avec tant d’énergie par l’auteur de l’Apothéose d’Homère n’ont rallié qu’un petit nombre de fidèles. Ni Delacroix ni Decamps ne sont appelés à l’enseignement. La nature de leur talent est tout individuelle ; ils ont plus d’imagination que de savoir, et l’imagination ne se transmet pas. Ary Scheffer et Paul Delaroche ont trop souvent tâtonné pour imposer leur manière. Chacun dans l’école française veut aujourd’hui se frayer une route personnelle, et pour accomplir un tel projet, la force manque au plus grand nombre. Aussi, à côté de l’imitation servile de la nature, nous apercevons l’imitation obstinée des maîtres du XIVe siècle. En examinant les chapelles de Saint-Séverin, de Saint-Eustache et de Saint-Philippe, nous expliquerons la stérilité de cette double tentative.

L’indulgence en pareille occasion est d’autant plus nécessaire, que le choix des sujets n’est pas la seule considération dont nous ayons à tenir compte. La peinture murale exige des études spéciales, et ce n’est pas en France que ces études peuvent se faire. Pour connaître d’une manière précise les conditions imposées à ce genre de peinture, il est indispensable de visiter l’Italie. Rome et Florence sont les deux institutrices que doivent consulter les artistes chargés de la décoration de nos chapelles. Pour résoudre cette difficulté, la ville de Paris a choisi quelques pensionnaires de l’Académie de France à Rome, qui ont pu librement étudier les modèles du genre ;