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tées ne pouvaient l’accréditer en France; mais la peinture à la cire, exécutée sur un mur piqué, puis revêtu d’une légère couche de stuc, exempte de reflets, s’accommode très bien à l’inconstance de notre climat. Ce procédé, sans valoir le procédé italien, sans permettre d’obtenir la même fraîcheur de tons, déjoue cependant tous les caprices de l’atmosphère. Que la lumière soit abondante ou non, que le ciel soit pur ou chargé de nuages, toutes les figures gardent l’importance qui leur est assignée, le rang qui leur convient. Les beaux travaux de M. Hippolyte Flandrin à Saint-Germain-des-Prés, à Saint-Vincent-de-Paul, exécutés à la cire, ne laissent rien à désirer sous le rapport de la clarté. Bien que l’église construite par M. Hittorf ne soit pas inondée de lumière comme Sainte-Marie-Majeure, qu’elle voudrait rappeler, bien que Saint-Germain-des-Prés soit encore plus mal partagé que Saint-Vincent-de-Paul, chacun peut suivre sans effort la pensée du peintre. Toutes ses intentions se révèlent avec évidence. Il est vrai que, parmi les artistes à qui la ville de Paris a confié la décoration de nos églises, il y en a bien peu qui réunissent au même degré les conditions exigées pour ce genre de travail. Si M. Flandrin ne possède pas une grande originalité d’invention, on peut dire qu’il écrit sa volonté dans une langue pure et précise. Il s’attache résolument aux points importans, et sacrifie sans regret les détails que le regard n’atteindrait pas. S’il y a en Italie des peintures murales éclairées d’une lumière plus abondante, il n’y en a pas une que l’œil embrasse plus facilement.

Quant à l’inconvénient dont j’ai parlé plus haut, il n’a rien à démêler avec l’inconstance de notre climat. On pourrait le supprimer demain. Il suffirait de consulter le bon sens. Les sujets commandés par la ville sont proposés par les paroisses. Or le plus grand nombre de ces sujets n’offre au pinceau que de bien faibles ressources. Les trois quarts, je pourrais dire les neuf-dixièmes des chapelles, au lieu de retracer les épisodes gracieux ou pathétiques de l’Ancien et du Nouveau-Testament, nous présentent des légendes empruntées à la vie des saints. L’Italie à cet égard montre plus de clairvoyance. Sans négliger la biographie des saints, elle interroge plus souvent que la France le Pentateuque, le Livre des Rois, les prophètes et l’Évangile; elle a compris par réflexion ou par instinct, peu importe, que pour attirer les yeux de la foule il faut lui présenter des épisodes qui réveillent les souvenirs du premier âge, c’est-à-dire les origines de la religion chrétienne. Simplicité, candeur, austérité, tout se trouve réuni dans les sources que je viens d’indiquer, et ces mérites si précieux ne sont pas les seuls qui les recommandent. Que le peintre puise dans la Genèse ou dans l’Exode, dans Jérémie ou dans saint Jean, il est compris par le plus grand nombre des spectateurs.