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lui aucun mécompte. Ce qu’il a voulu se révèle à tous les regards. Une composition peinte sur toile, loin de la place qu’elle doit occuper, est soumise à des chances très diverses. Elle peut s’agrandir, elle peut s’amoindrir en arrivant sous le jour qu’elle doit garder. Les toiles maroufflées, commencées dans l’atelier, achevées sur place, sont un moyen terme que l’administration municipale fera bien d’abandonner. Je pourrais citer à l’appui de mon opinion des exemples nombreux. Ceux qui ont visité les églises de Rome et de Florence savent à quel point la peinture murale est propice aux pensées les plus modestes. Telle main qui sur la toile, sur un panneau de chêne, ne se révèle pas comme très habile, obtient des effets très heureux, et fait songer aux maîtres de l’art, lorsqu’elle dispose d’un espace limité, d’un jour qui n’est modifié que par le cours des saisons. Il me suffit de citer la chapelle du Pinturicchio dans l’église d’Ara-Cœli. Ce condisciple de Raphaël n’était pas un homme de premier ordre, et pourtant dans cette chapelle, grâce à la distribution de la lumière qu’il connaissait d’avance, il a montré une finesse, une précision qu’on chercherait vainement dans les œuvres de son pinceau exécutées loin de la place qu’elles occupent. Les compositions du même auteur à Sant’Onofrio, derrière le maître-autel, se recommandent à l’admiration parce qu’elles sont conçues et menées à fin dans les mêmes conditions.

Les compositions de Giotto, supérieur à Pinturicchio par la pensée, moins habile que lui dans le maniement du pinceau, donnent lieu aux mêmes réflexions. Les Sept Sacremens, qui décorent l’Incoronata de Naples au-dessus du buffet d’orgues, et surtout les épisodes bibliques de Sainte-Marie all’ Arena de Padoue, démontrent victorieusement tous les avantages d’une lumière prévue. Le glorieux aïeul de Raphaël doit à la peinture murale la meilleure partie de sa renommée, et bien des hommes qui n’ont pas conquis dans l’histoire de l’art un rang aussi élevé seraient aujourd’hui presque oubliés, s’ils eussent confié au bois ou à la toile l’expression de leur pensée. Domenico Ghirlandajo, le maître de Michel-Ange, admiré dans l’église de la Trinité de Florence, dans la chapelle Sixtine, n’obtiendrait dans une galerie que de rares suffrages. N’est-ce pas assez pour prouver l’excellence du parti choisi par la municipalité de Paris? Notre climat, il est vrai, pluvieux et inconstant, amoindrit quelque peu les avantages que je viens de signaler. La plupart de nos églises sont d’ailleurs assez mal disposées pour la peinture. La lumière y est distribuée d’une main avare. C’est un obstacle sans doute dont il faut tenir compte, un obstacle sérieux, qui ne doit pourtant pas effrayer les peintres vraiment habiles. La fresque est peu cultivée chez nous, et les essais demandés à des mains inexpérimen-