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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 novembre 1856.

Il est des instans véritablement curieux dans la vie des nations. La politique se remplit d’indécisions et d’obscurités au sein desquelles les esprits flottent sans savoir exactement où ils vont arriver. Cherche-t-on à surmonter les impressions mauvaises pour croire absolument à l’invariable durée de la paix ? Aussitôt on aperçoit partout des luttes, des mésintelligences, des froissemens, qui dénotent des troubles étranges et une tension extrême dans tous les rapports. Admet-on plutôt la possibilité de la guerre comme le triste résultat de ces dissonances qui éclatent partout ? Alors on pèse dans la même balance les périls d’une rupture violente et les difficultés relativement fort secondaires qui inspirent ces doutes, on rapproche l’effet de la cause, et on se dit que des peuples sensés, que des gouvernemens éclairés et alliés ne peuvent se laisser aller à une telle extrémité pour quelques divergences d’opinion ou de conduite. Il y a trois ans, au commencement de la crise orientale, on disait un jour que la guerre était inévitable et qu’elle était impossible. Elle était inévitable en effet, parce que la marche des choses conduisait fatalement, et depuis de longues années, à un choc décisif. Elle paraissait impossible, parce que tous les intérêts matériels conspiraient à l’écarter, parce que, depuis près d’un demi-siècle, on semblait avoir perdu l’habitude des grandes luttes militaires, parce qu’enfin les gouvernemens, à peine convalescens de leurs commotions, auraient pu avoir assez de leurs affaires intérieures. Le temps s’est chargé de concilier ces contradictions. Il faudrait dire aujourd’hui que la guerre n’est ni inévitable, ni surtout impossible, et c’est à cause de cela sans doute qu’elle ne naîtra pas de dissidences passagères.

Il n’est pas moins vrai que quinze jours viennent de s’écouler, et que toutes ces questions qui tiennent l’Europe dans une si singulière perplexité depuis quelque temps sont encore très loin d’être résolues. Ce sont quinze