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fiantes plus réservées, et supposent même la contradiction. Mme de Staël semble maintenant vouloir fléchir un juge, tandis que naguères c’était le roi bel-esprit qui sollicitait presque ces conversations spirituelles dont sa mémoire tire honneur encore aujourd’hui aux yeux de l’histoire et des lettres. La correspondance eût bientôt pris fin d’elle-même sans aucun doute, même sans la mort de Gustave III au commencement de 1792, quatre mois après l’interruption complète de nos documens inédits.

La mort de Gustave, loin de mettre un terme aux fonctions de M. de Staël, l’affermit au contraire dans le poste élevé qu’il occupait à Paris. Pendant la minorité du jeune Gustave IV, dont le règne devait être si funeste à la Suède, ce fut précisément le duc Charles ou plutôt Reuterholm qui eut en mains la puissance, et qui en usa dans un sens tout opposé aux idées de Gustave III. D’hostile qu’il était à l’esprit de la révolution française, le gouvernement suédois y devint favorable, et le baron de Staël, loin d’avoir désormais à se défendre de ses tendances libérales, fut au contraire chargé de se rapprocher des révolutionnaires et de traiter avec eux. Il resta ambassadeur de Suède à Paris jusqu’à l’élévation de Robespierre, et son gouvernement paraît avoir acquis une grande influence dans les conseils de la république, s’il est vrai, comme l’affirment les historiens suédois, que l’intime ami de M. de Staël, Reuterholm, eut le sort de Marie-Antoinette entre ses mains. Le cabinet de Stockholm en effet, ayant de bonne heure reconnu la république, mais s’étant effrayé cependant de la mort de Louis XVI, s’était interposé pour sauver la reine : Robespierre lui-même avait prêté l’oreille à une négociation et stipulé une somme considérable; mais Reuterholm laissa tomber cette proposition sans avoir même informé la cour de Vienne de l’offre qui lui avait été faite.

Pendant la dictature de Robespierre, M. de Staël avait quitté la France; il était retourné en Suède avec Mme de Staël. Après avoir été pendant quelque temps ministre à Copenhague, il revint comme ambassadeur à Paris en avril 1795. On dit que Mme de Staël était encore sa collaboratrice pour les discours qu’il prononça dans ces différentes occasions. Il était devenu fort célèbre dans Paris républicain. On l’avait vu assister seul dans la tribune diplomatique aux séances les plus orageuses de la convention, recevant tour à tour des hommages ou d’insultantes apostrophes, et le peuple des faubourgs parlait souvent avec respect de M. L’ambassadeur de Suède. Rappelé encore en 1797, M. de Staël donna alors sa démission, vécut en particulier à Paris jusqu’en 1802, et, dans cette année même, ayant entrepris un voyage en Suède avec sa femme et ses enfans, mourut sur la frontière de France. Suivant quelques auteurs, il mourut à Paris même,