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théâtre est un portrait exact de la bonne société italienne, que faut-il penser de cette société? En quoi diffère-t-elle de la société française? Les ressemblances, je l’avoue, me frappent plus que les différences : même frivolité, même puérilité, même vanité des deux côtés des Alpes. A entendre causer cette jeunesse dorée de Florence, à voir ces femmes insignifiantes ou légères, on se croirait à Tortoni ou dans un de nos salons, quelquefois aussi, faut-il le dire? dans ce demi-monde dont on fatigue nos yeux et nos oreilles depuis trop longtemps. Que cette ressemblance ne soit qu’apparente, je le crois très fermement; mais n’est-ce pas trop que cette liberté dont jouissent les veuves d’aimer à la face du ciel qui bon leur semble, et de rester honorables, si volages qu’elles soient, pourvu qu’elles s’interdisent le cumul et les amours intéressés? Cette familiarité caractéristique, ces mœurs peu sévères sont reproduites dans les comédies de M. Martini avec une crudité de couleurs que les demi-teintes du langage tempèrent à peine, et avec une fidélité de pinceau que je me garderais bien de louer, si les Florentins eux-mêmes n’avaient été les premiers à la célébrer et à se reconnaître.

Pendant que M. Martini poursuit à Florence le cours de ses faciles succès, un écrivain piémontais essaie de lui disputer le premier rang sur la scène italienne. Pour que cette ambition paraisse légitime, il faut juger M. Joseph Vollo sur son dernier ouvrage, car ni ses deux drames en vers, Foscari et Mahomet II, ni ses deux précédentes comédies, le Génie vendu et la Brasseuse, ne semblaient l’appeler à de bien hautes destinées. Assurément les uns et les autres témoignaient d’un esprit inventif et fécond; mais l’oubli des conditions du théâtre et même du plus simple bon sens marque la place de ces ouvrages parmi les essais trop nombreux qui naissent aujourd’hui pour mourir demain. Il n’en est pas tout à fait ainsi de la comédie intitulée les Journaux, qui a fait connaître M. Vollo sous un nouvel aspect. Ceux-là même qui se sont montrés le plus opposés à cette œuvre n’en ont pas dissimulé l’importance, et du choc des opinions au parterre et dans la presse est résultée pour l’auteur une célébrité qu’il serait puéril de contester. Le gouvernement sarde lui a accordé l’un des prix fondés pour récompenser les meilleurs ouvrages dramatiques représentés à Turin; la presse périodique au contraire a déclaré que la faveur ministérielle s’était égarée, et que la dernière comédie de M. Vollo ne soutenait pas l’examen. A qui donner raison, du gouvernement ou des journaux? C’est ce qu’il n’est pas sans intérêt d’examiner.

Frappé des abus qu’entraîne l’établissement de la presse périodique, tout récent en Piémont, et des dangers que, d’après son opinion, ces excès font courir à la liberté, M. Vollo a mis les journaux, les journalistes et leurs patrons sur la scène, et, à vrai dire, il ne