blâmer, s’il n’avait destiné son ouvrage à la scène. Plusieurs écrivains français ont raconté dans ce système certains épisodes historiques, et leur récit y a gagné de l’animation et de la variété; mais ils se sont bien gardés de risquer ces essais au théâtre. Les dissertations politiques de M. Lévi, militaires, philosophiques même, n’y peuvent faire que mauvaise figure, et la représentation de son drame serait insoutenable, si ces hors-d’œuvre, exprimés d’ailleurs avec beaucoup de force, n’étaient rachetés par des tableaux saisissans et pleins de vie. N’y a-t-il pas autant de mouvement que de vérité, par exemple, dans toutes les scènes où les lazzaroni paraissent avec leurs sanguinaires caprices, avec leurs mobiles impressions? Nous ne citerons que celle-ci :
« UNE FOULE DE LAZZARONI. — Vive le roi et la sainte foi!
« PREMIER LAZZARONE. — Courage! le feu va s’éteindre! Alimentez! soufflez, soufflez; du bois, des os de jacobins !
« DEUXIEME LAZZARONE. — Voyez! voyez! Duecce et Mammone traînent un autre corbeau tout encapuchonné... (On amène un moine couvert de sa cape et chargé de liens.)
« PREMIER LAZZARONE. — Jetons-le vif ici dedans, tout vif.
« DEUXIEME LAZZARONE. — Non, il faut le voir auparavant à la potence, et d’abord la bastonnade!
« UNE FOULE DE LAZZARONI. — Oui, oui, la bastonnade.
« DUECCE. — Amis, avant tout, silence! Vous êtes gens de bien, honnêtes, amis de l’ordre?
« UNE FOULE DE LAZZARONI. — Oui, honnêtes et amis de l’ordre.
« DUECCE. — Alors procédons au jugement des accusés avec régularité et surtout selon la légalité. Examinons avec soin le procès, puis, si c’est votre avis, nous pendrons avec ordre et modération.
« PREMIER LAZZARONE. — Sois le juge, toi. — Vive saint Janvier! Sois le juge!
« DEUXIEME LAZZARONE. — A bas saint Janvier et ceux qui l’invoquent ! Il est devenu jacobin, saint Janvier! Nous l’avons destitué.
« LA FOULE. — Mort à qui l’invoque! à bas saint Janvier!
« PREMIER LAZZARONE. — Pardon, la langue m’a fourché. Le cheval tombe, quoiqu’il ait quatre jambes; le prêtre se trompe en disant la messe; ne puis-je me tromper, moi aussi? Vive saint Antoine!
« DEUXIEME LAZZARONE. — Vive saint Antoine! Sois le juge, toi.
« DUECCE (Il jette un chiffon sur sa tête et s’assied gravement sur une planche). — Voici ma robe, ma toque et mon capuchon. Voici la barre. Faites avancer l’accusé. Qui es-tu? (Le moine ne répond pas.) As-tu donc porté ta langue à la boucherie? Mais non, tu l’as encore dans la bouche, si je m’en souviens bien. Allons, réponds.
« LE MOINE. — Je ne répondrai que devant Dieu.
« DUECCE. — Tu répondras devant Belzébuth, vers qui je t’expédierai dans un instant. Je dirai, moi, pour ceux qui ne le reconnaissent pas, je dirai qui il est.
« TOUS. — Dis, dis.