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que son œuvre n’ira pas au théâtre, et ainsi la tragédie, condamnée à l’avance, n’est plus qu’un exercice littéraire, à peine l’ombre de ce qu’elle aurait pu être avec un rayon de liberté.

Malgré les efforts persévérans des poètes, il est hors de doute que le public italien n’accueille plus la tragédie qu’avec une extrême froideur. S’il accourt encore quelquefois, c’est qu’un acteur d’élite s’est chargé de l’interpréter. Que cet acteur parte, la foule se retire, et de nouveau le désert se fait au théâtre, même quand une administration plus soucieuse de sa dignité que de ses intérêts s’avise de maintenir au répertoire les plus incontestables chefs-d’œuvre tragiques. Si le goût public ne peut sans aberration étendre cette aversion pour la tragédie jusqu’aux chefs-d’œuvre, n’a-t-on pas quelque raison de s’attaquer au genre? Une forme nouvelle se présente, une forme qui répond mieux au goût des spectateurs et peut-être aussi aux exigences de notre temps : c’est le drame. L’exemple de Niccolini n’a trouvé malheureusement que peu d’imitateurs. Au lieu de continuer ses nobles tentatives, la plupart des dramaturges italiens tournent les yeux vers les pièces qu’on applaudit sur nos boulevards. Il y a aujourd’hui en Italie comme en France d’honnêtes gens qui font tout consister dans la composition et l’arrangement, et à qui il manque, entre autres choses, de savoir composer et arranger. Du reste, nul souci littéraire : voulant faire du drame, ils font du mélodrame. Je tairais volontiers leurs noms, si je ne craignais d’être accusé d’ignorance, et peut-être de voir ériger en grands hommes ceux que j’aurais omis; mais quand j’aurai dit que les drames de MM. Vollo, Daneo, Poggiali, Saredo, Monticini, Chiossone (l’auteur de cette Suonatrice d’Arpa que les amis de l’Italie ont eu le regret de voir représenter à Paris), Ivaldi, Depaoli, Bensi, Mattei, Oddone, Codebo, Uda Baylle, Ch. Jouhaud, dit Napoléon Giotti, etc., ont été joués avec plus ou moins de succès, qu’ajouterai-je, sinon que la sévérité envers quelques-uns n’a été que justice, et que les bravos qui ont accueilli les autres ne peuvent être pris que comme un encouragement?

De louables efforts ont été faits sans doute pour relever le drame du discrédit que tant d’essais malheureux font peser sur lui. Je voudrais fixer un instant l’attention du lecteur sur deux ouvrages dont les auteurs me paraissent recommandables, l’un par le soin qu’il apporte au choix et à l’étude de son sujet, l’autre par la forme poétique dont il a su revêtir sa pensée. Le premier de ces deux drames est intitulé : Emma Liona, ou les martyrs de Naples. L’auteur, M. David Lévi, a voulu faire une œuvre de parti, et la crudité avec laquelle il exprime ses opinions a dû rendre la représentation si difficile, qu’il a fort mauvaise grâce à se plaindre de la censure. En 1851, la censure, maintenue uniquement pour les œu-