Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 6.djvu/334

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rale a été suivie par tous les gouverneurs-généraux sans déviation. Les exigences du service, les intérêts du budget de l’Inde, ont sans doute contribué à faire entrer l’élément natif en plus large proportion dans l’administration anglo-indienne, mais il serait injuste de nier que le désir de propager l’éducation dans la population indigène n’ait encouragé le gouvernement à prendre ces mesures empreintes d’un sage esprit de progrès. La question de l’éducation des natifs est en effet, il faut le reconnaître, une de celles dont le gouvernement anglais s’est occupé avec le plus d’ardeur depuis vingt ans, et en faveur de laquelle il a fait les plus grands sacrifices. Or cette éducation que le natif reçoit de l’étranger, loin d’être un bienfait, n’est-elle pas un outrage de plus, si au sortir du collège il ne voit s’ouvrir devant lui aucune carrière où il puisse utiliser ses études? La question de l’éducation des natifs et celle de leur admission dans les fonctions publiques se trouvent étroitement liées l’une à l’autre. Tandis que les collèges doivent préparer au gouvernement des agens honnêtes et habiles, l’espoir d’assurer à leurs enfans des positions avantageuses au service de l’état doit engager, surtout dans une société où il n’est d’autre rang que le rang officiel, bon nombre de parens à confier leurs enfans dès leur jeunesse aux écoles publiques. Cette intime corrélation n’échappa point à la pénétration de lord Hardinge, et en 1844, dans un document remarquable par la profondeur des vues, il émit l’idée de n’admettre dans les fonctions publiques que les jeunes gens élevés dans les collèges et de n’appeler même aux emplois les plus infimes que des hommes ayant reçu une certaine éducation. Pour arriver à ce but, on institua à Calcutta et dans les provinces des comités qui devaient chaque année examiner les candidats, sortis tous des institutions publiques, et choisir parmi eux les recrues de l’administration anglo-indienne. Les résultats que l’on pouvait espérer de ce nouvel état de choses n’ont point été réalisés : soit que le programme des examens ait été mal formulé, soit tout autre motif, le nombre des candidats n’a jamais répondu aux besoins du service, et les règlemens rédigés sous l’influence de lord Hardinge sont presque dès leur naissance tombés en désuétude. On ne saurait contester toutefois ce qu’ils ont d’avantageux et d’équitable, et il faudra vraisemblablement y revenir un jour dans l’intérêt du gouvernement lui-même.

Pour donner une idée exacte des fonctions publiques attribuées aux natifs sous le gouvernement de la compagnie, et dont les titulaires doivent posséder des connaissances libérales, il suffira d’indiquer le nombre des employés indigènes supérieurs admis à servir dans les départemens de la justice, de l’intérieur et des finances pour le Bengale, les provinces nord-ouest et le Punjab. Le chiffre total de