Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 6.djvu/321

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

inaperçu et de constater que ce fut sous l’empire d’une absolue nécessité, sans idée aucune d’extension de territoire, que la compagnie commença ses travaux militaires. En un mot, ses débuts comme puissance politique dans l’Inde, la conquête des provinces du Bengale, Behan et Orissa, ne furent qu’une juste représaille des horreurs de cette nuit terrible du 20 juin 1759, où 160 Européens périrent asphyxiés dans la prison (Black-Hole) où le nabab du Bengale les avait fait enfermer.

Les conditions de la conquête toutefois ne furent pas moins singulières que les circonstances qui l’avaient provoquée. Aux premiers jours, les provinces indiennes ne furent pas cédées à la compagnie d’une manière absolue, et elle n’obtint du Grand-Mogol que les droits qu’il déléguait aux grands officiers de la couronne. Il suit de là qu’à son début comme gouvernement dans l’Inde la compagnie ne crut ni devoir ni pouvoir s’écarter des usages établis, et continua à peu de chose près les systèmes d’administration, de perception d’impôts, de répression criminelle, établis par ses devanciers. Bien que ces usages aient subi de nombreuses modifications, l’action s’en fait encore sentir dans la machine gouvernementale de l’Inde, et pour bien comprendre les devoirs multiples des officiers civils anglo-indiens, il est indispensable de se rappeler qu’ils descendent en droite ligne des délégués de l’empereur de Dehli.

Il est temps de revenir au writer sorti après examen heureux du collège de Fort-William, et de le suivre dans ses débuts comme assistant auprès du magistrat d’un district. Autour de lui, on ne parle que les langages natifs, et il doit bon gré mal gré finir par s’y rompre. En principe, l’action de l’assistant est fort restreinte, et ce n’est généralement qu’après deux ans de travaux actifs qu’il est investi de pouvoirs d’une certaine importance. Il faut environ sept ans de service pour arriver du poste d’assistant à celui de magistrat en pied chargé d’un district.

C’est une tâche laborieuse et compliquée que celle d’un magistrat de district[1] dans l’Inde anglaise. Le magistrat répond de tous les détails de l’administration du district qui lui est confié. Il détermine les taxes à l’aide desquelles il est pourvu à la solde de la police

  1. L’on peut tracer le tableau suivant des moyennes de population, étendue, revenu, d’un district dans le domaine de l’honorable compagnie des Indes :
    ¬¬¬
    Présidence Territoire d’un district Population Revenu foncier
    Bengale 3,200 milles carrés 1,000,000 103,000 Liv. st.
    Provinces nord-ouest. 2,300 730,000 130,000
    Madras 6,500 800,000 765,000
    Bombay 4,200 600,000 760,000


    Ces chiffres établissent clairement l’importance des devoirs que les employés civils de la compagnie ont à remplir comme magistrats et collecteurs de district.