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1809 et en 1828, où des commissions du service civil émanées des directeurs Thelusson et Prinseps furent annulées par décision de la cour. Néanmoins ces enquêtes sévères ont prouvé que ces transactions frauduleuses n’étaient pas aussi fréquentes que l’on aurait pu le craindre. Parmi les motifs qui ont été mis en avant ces dernières années pour retirer aux directeurs le patronage de l’Inde, l’accusation de faire profit d’argent des brevets à leur disposition n’a été soutenue que par des ennemis injustes et passionnés. C’est avec plus de raison qu’on leur a reproché d’employer les brevets du service indien à solder des services électoraux ou à servir des intérêts de famille[1], et les usages suivis dans l’élection au directorat, qui forcent chaque candidat, quelque illustre que soit son nom, quelque grands que soient ses services, à quêter en personne les suffrages des électeurs, ne se prêtent que trop aux transactions illicites.

La nouvelle charte de 1853 a apporté à la constitution de la cour des directeurs les changemens suivans : le nombre des directeurs est réduit de trente à douze, leur salaire annuel élevé de 300 à 500 liv. sterl. ; enfin les brevets du service civil de l’Inde doivent être mis désormais au concours public. Que ces réformes portent une atteinte profonde au pouvoir de la cour des directeurs, c’est là ce que l’on ne saurait se dissimuler ; que l’on doive en espérer de bons résultats, c’est une question que l’expérience seule pourra résoudre. Beaucoup de bons esprits croient, et nous croyons avec eux, que la loi nouvelle qui régira désormais le recrutement de l’administration anglo-indienne n’est qu’une concession faite à l’esprit démocratique du siècle, et rien de plus. Il est en effet hors de doute, parmi les hommes qui ont quelque expérience de l’Inde, que les recrues doivent se rendre jeunes sur le théâtre de leur vie officielle pour s’initier au langage, aux habitudes, aux préjugés des hommes qu’ils auront un jour à gouverner. Comment donc formuler, pour une limite d’âge

  1. Sans insister sur les fraudes auxquelles a pu donner lieu le mode d’élection au directorat, nous croyons que le reproche adressé aux directeurs d’employer leur patronage à servir des intérêts de famille n’est pas entièrement mérité. La part de commissions attribuée aux véritables ayant-droit, aux jeunes gens dont les pères ont appartenu aux services civils ou militaires de l’Inde, n’a jamais été plus considérable que dans ces dernières années. On peut facilement expliquer la chose sans même croire au progrès des vertus publiques parmi les membres de la cour. Lorsque la compagnie des indes possédait le monopole du commerce du pays, il était d’un grand intérêt pour les sommités financières de l’Angleterre d’être admis au sein de la cour. Cet intérêt a cessé avec la charte de 1833, qui a affranchi le commerce de l’Inde. Depuis lors, un plus grand nombre d’officiers retirés civils et militaires ont été admis parmi les directeurs, qui ont distribué plus abondamment le patronage de l’Inde parmi les familles anglo-indiennes. Nous appuierons cette opinion de quelques chiffres. Le nombre de brevets accordés par les directeurs aux fils d’anciens officiers de la compagnie, qui, de 1813 à 1833, sur 5,092 commissions était de 404, est de 348 sur les 1,843 commissions distribuées de 1836 à 1843. La proportion s’est donc élevée du douzième au quart.