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commerce ou d’industrie ont leur place à côté des affaires morales ; les races diverses s’agitent, et chacune va où son instinct l’appelle, chacune se fait une destinée à part ; les événemens de la veille sont déjà de l’histoire, et les faits du jour éclatent à l’improviste. Classer cette immensité de faits et démêler ce qui ne cesse point d’être exact, ce qui est l’histoire véritable des peuples, leurs travaux, leurs efforts, leurs progrès ou leurs défaillances, tel est, comme on sait, l’objet de l’Annuaire des Deux Mondes, qui paraît tous les ans et qui paraît une fois encore en ce moment. Ce nouveau volume, qui est le sixième, expose l’histoire de l’année 185S-1856. Depuis qu’il a été créé, l'Annuaire a eu à raconter bien des événemens d’une nature diverse. Il a pu constater la fin et les tristes résultats des révolutions dernières de l’Europe, puis est venue la guerre avec ses péripéties aussi nombreuses qu’éclatantes ; mais ce sont là des faits exceptionnels qui ne peuvent se reproduire fréquemment. Le récit exact de tels faits, la connaissance précise des mouvemens diplomatiques ne sont pas le seul intérêt de l’Annuaire ; ils lui donnent pour cette année une valeur particulière, ils ne sont pas sa raison d’être permanente. D’habitude on ne connaît l’histoire contemporaine que par des impressions fugitives et superficielles ; on croit trop la connaître par ce qu’on en voit chaque jour, et c’est ce qui fait que souvent on ne la connaît pas assez. Un événement survient dans un pays, un parti monte au pouvoir, une crise financière ou industrielle éclate, une question diplomatique surgit : comment s’expliquent ces faits ? à quels antécédens se rattachent-ils ? quelle est même l’organisation des peuples, leur situation politique, morale, matérielle, périodiquement constatée ? C’est ce que l’Annuaire s’efforce de préciser en condensant des notions exactes dans le récit des scènes contemporaines. Cette année encore, les élémens n’ont point manqué pour une telle œuvre. Entre les grandes puissances, c’est toujours la même question qui s’agite, cette question à laquelle se rattachent les opérations de la guerre, les fluctuations de la diplomatie, le traité avec la Suède, les négociations du congrès de Paris, et la paix enfin comme couronnement de deux ans d’efforts. Ici c’est le développement intérieur de la France qui reparaît dans ce qu’il a de réel et de silencieux. Là c’est l’Espagne et sa révolution. Un des chapitres les plus curieux est celui qui traite des communions religieuses de la Prusse, de leur organisation et de leurs tendances. Dans le Nouveau-Monde, on a le double spectacle des accroissemens ininterrompus des États-Unis et des convulsives faiblesses des républiques espagnoles. Nulle part le mouvement ne s’arrête dans le bien ou dans le mal ; cette année marque simplement une étape de plus. Par une singularité qu’il faut noter, cette œuvre, au moment où elle finit, laisse une multitude de questions pendantes, des différends diplomatiques en Europe, une reconstitution pénible en Espagne, une élection présidentielle qui se prépare aux États-Unis, partout enfin des luttes à dénouer et des efforts à renouveler sans cesse. L’histoire des peuples est là, et elle recommence toujours,

ch. de mazade.

Il existe à Londres depuis quelques années une imprimerie russe. Le fondateur de l’établissement est un écrivain déjà célèbre en Russie, et dont la Revue s’est occupée. Le but de M. Hertzen était de publier les ouvrages qui ne pouvaient être mis au jour dans l’empire même. Deux périodes sont