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quelque harmonie qu’il y eût entre ses doctrines personnelles et les maximes royales, quelque profonde empreinte qu’il eût reçue de la majesté de ce gouvernement toujours obéi comme celui de Dieu même, Bossuet précepteur du dauphin et sévère conseiller du jeune monarque, produisit beaucoup plus de chefs-d’œuvre que l’évêque de Meaux au comble de la gloire et de la puissance, mais partageant avec Mme de Maintenon la direction de l’église de France. Ses Oraisons funèbres, la plupart de ses sermons, ses magnifiques travaux pour l’éducation de son royal élève sont de la première période de sa vie, à laquelle il faut rapporter aussi ses grandes œuvres de controverse avec les protestans, dont l’Histoire des Variations vint clore la liste en 1688. Le reste de sa carrière est rempli par une polémique parfois ardente et parfois subtile, et par la vaste correspondance où se trahissent trop souvent ses tristesses, ses inquiétudes et ses déceptions. Le talent de Fléchier, qui avait atteint son apogée dès la mort de Turenne, ne jeta plus que de rares éclairs durant le reste de sa vie, fort longue encore. Enfin personne n’ignore que Fénelon, dont la laborieuse jeunesse avait été si féconde, n’eut guère, sur le siège de Cambrai, où il monta en 1693, d’autre souci que celui de se défendre contre la colère royale, que sa soumission ne désarma pas plus que son silence.

Ainsi s’écoulèrent dans un épuisement à peu près complet les vingt-cinq dernières années de ce règne, auquel n’avait manqué aucune gloire. Les grandes renommées étaient déjà frappées par la mort ou s’enveloppaient dans le silence. Le génie disparut donc avec la fortune, lorsque Louis XIV, ayant épuisé tous les hommes de la génération précédente, ne trouva plus pour lutter contre les périls amoncelés par sa politique que les hommes formés par son propre gouvernement et choisis par lui-même dans leur obscurité. Alors la France fut aussi pauvre qu’elle avait été riche, car si l’on excepte la personne même du roi, toujours admirable de calme et de force, on chercherait vainement quelque grandeur dans les tristes années qui virent passer à la tête des armées Villeroy, Tallard et La Feuillade, pendant que Chamillart, Voysin et Desmarets entraient aux conseils du monarque.


II.

Les temps qui précèdent la paix de Ryswick, et que remplit la guerre du Palatinat, paraissent dans la carrière de Louis XIV une période de transition entre l’époque des triomphes et celle des désastres. Si le traité de 1697 n’affecta pas d’une manière sensible la puissance territoriale de la France, il donna la preuve de son épui-