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Après avoir terminé l’histoire des Stuarts en 1756, Hume entreprit celle des Tudors, qu’il publia en 1759, et le succès de cette seconde partie comme les sollicitations des libraires le déterminèrent à écrire l’histoire de l’Angleterre depuis l’invasion de Jules-César jusqu’à l’avènement de Henri VII. Ce fut l’objet de deux nouveaux volumes in-quarto qui parurent en 1762. C’est la portion de beaucoup la plus faible de l’œuvre de Hume : on peut dire que les matériaux de cette histoire n’existaient pas de son temps, ils gisaient enfouis dans les archives, d’où ils n’ont été tirés qu’il y a un très petit nombre d’années, grâce à la persévérance de quelques érudits et à la libéralité du parlement. Comme œuvre historique, cette partie de l’histoire de Hume n’a pas plus de valeur que n’en ont en France les écrits de Villaret ou de Vély; le mérite du style l’a seul préservée de l’oubli.

Pendant les dix années qui s’écoulèrent de 1752 à 1763, Hume exerça en Écosse une sorte de royauté littéraire. De tous les hommes remarquables que renfermait alors ce petit pays, il était le seul qui eût publié de nombreux ouvrages, et dont la réputation se fût étendue non-seulement à Londres, mais dans toute l’Europe. Le succès de ses livres lui avait valu une certaine aisance, et au bout de quelques années il avait pu échanger son petit appartement de Jack-Land contre une maison comfortable dans James’s Court. Bon, serviable, du commerce le plus facile et le plus sûr, respectueux des opinions d’autrui, indulgent à la contradiction, gai et aimant la société autant que le travail, Hume devint bientôt le centre d’un petit cercle d’hommes de lettres qui presque tous ont laissé un nom. C’est merveille de voir sur le pied de quelle intimité ce sceptique, ce hardi spéculateur, si souvent taxé d’irréligion et d’athéisme, vivait avec les membres les plus distingués du clergé écossais, avec des hommes d’une piété exemplaire et même fervente, comme Blair, Leechman, Ferguson et Robertson. Tous respectaient en Hume un adversaire loyal et convaincu qui laissait à la porte de son cabinet les ardeurs de la controverse et les démêlés philosophiques, et ils appréciaient en lui l’ami sincère, l’homme de bon conseil, à qui on ne demandait jamais en vain ni un avis ni un service.


IV.

Hume avait atteint l’âge de cinquante-deux ans. Il avait renoncé à rien écrire sur la philosophie, satisfait de revoir les Essais chaque fois qu’une nouvelle édition lui en fournissait l’occasion. S’il promettait parfois de continuer son Histoire d’Angleterre jusqu’à l’époque contemporaine, c’était pour ne point désoler son libraire; mais au fond il n’avait aucune envie de ranimer les querelles soulevées par