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minuer. Si nous n’avons plus à subir le contre-coup de nouveaux dérangemens dans les marchés extérieurs, si l’on se garde d’effrayer la banque d’Angleterre en lui enlevant trop d’or et en la poussant à resserrer davantage ses conditions d’escompte, nous aurons sans doute encore à traverser une saison difficile, mais l’on peut croire que les plus dangereux orages sont passés.

En Angleterre, jusqu’à présent la crise financière du continent n’a encore jeté aucun trouble sensible dans le mouvement des affaires. Les Anglais sont plus accoutumés que nous à ces perturbations commerciales, qui se trahissent par l’épuisement des ressources métalliques des banques et par l’élévation de l’intérêt. Ils connaissent si bien les véritables causes de ces crises, ils sont si familiarisés avec les mesures qui peuvent seules en conjurer les mauvaises chances, qu’ils sont loin de prendre l’alarme lorsque la banque élève le taux de l’escompte ; aussi les deux renchérissemens que la banque d’Angleterre vient d’imposer coup sur coup au crédit ont-ils rencontré dans la presse anglaise une approbation unanime. Les esprits éclairés savent que la banque protège un intérêt public en défendant ainsi son encaisse et en laissant le loyer des capitaux prendre son niveau au degré où le portent naturellement les rapports de l’offre et de la demande. Jusqu’à présent d’ailleurs, la presse anglaise, si éveillée sur ces questions, n’entrevoit aucun danger sérieux pour la sécurité du commerce britannique dans les difficultés financières du continent. Les membres du parlement qui haranguent leurs constituans dans des réunions électorales n’ont point abordé non plus, à propos de la situation actuelle du crédit, les discussions relatives à la charte de la banque et à la vieille question de la currency. Cependant, parmi les orateurs qui se sont adressés dernièrement à leurs électeurs, on ne compte pas de moins importans personnages que M. Gladstone et M. Disraeli. Celui-ci, parlant aux fermiers du Buckinghamshire, s’est borné à célébrer l’intelligence et l’énergie des agriculteurs anglais aux prises avec la concurrence étrangère. Quant à M. Gladstone, dans un discours où les considérations religieuses se mêlaient aux vues politiques et économiques, il a excité ses auditeurs à continuer l’œuvre du développement colonial de l’Angleterre. Rien dans le langage de ces deux hommes éminens n’a indiqué la prévision d’une secousse financière et commerciale. Le parti dont ces illustres membres de la chambre des communes représentent deux nuances distinctes, le vieux parti tory, est celui qui, dans ses fractions les plus arriérées, a toujours protesté contre les doctrines orthodoxes en matière de crédit, et qui regrette encore l’époque de la circulation du papier. Les plus excentriques don Quichottes de cette cause perdue n’ont pas même élevé la voix à propos des dernières résolutions de la banque ; ils sont attardés ailleurs. La portion violente du parti tory ne rêve depuis un an qu’hostilités contre les catholiques irlandais ; elle poursuit l’abolition de la dotation accordée au collège de Maynooth par sir Robert Peel. Vainement les chefs du parti conservateur désavouent-ils de pareils excès. Les vieux tories sacrifient à leurs passions d’intolérance la discipline de leur parti. M. Disraeli a blâmé ces excentricités rétrogrades, et n’a pas craint de déclarer dans son journal que la dotation de Maynooth était une de ces concessions qu’il n’était point permis à un gouvernement conservateur de retirer