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rang des principes d’ordre, liés à sa cause, le respect des institutions représentatives et, le maintien des libertés publiques. Au surplus, quel que soit l’avenir réservé à la nouvelle combinaison, les événemens dont l’Espagne est le théâtre ont cessé, depuis longtemps d’exercer de l’influence sur les affaires des autres peuples. Cette observation n’est peut-être pas inutile dans la période que traversent chez nous les affaires proprement dites. Les crises financières développent en effet outre mesure la sensibilité maladive que présentent aux accidens extérieurs les intérêts industriels et commerciaux.

La situation financière, dont nous avons déjà essayé de décrire les principaux traits, s’est depuis quinze jours d’abord aggravée, puis améliorée légèrement. À la première élévation du taux de l’escompte, la panique que nous redoutions s’était emparée des esprits. Les craintes les plus folles étaient entrées dans certaines têtes, et les empiriques proposaient les expédiens les plus insensés. Des hommes qui se donnent pour des praticiens consommés en matière de finances allaient jusqu’à parler de la nécessité du cours forcé, lorsque deux documens importans, un rapport du ministre des finances à l’empereur et le Compte-rendu mensuel de la Banque, sont venus éclairer le véritable état des choses, et ont rendu quelque calme aux imaginations effarées.

Les deux points les plus significatifs du compte-rendu de la Banque sont les chiffres qui expriment les mouvemens de l’encaisse métallique et le mouvement des valeurs sur lesquelles il a été demandé des avances. La diminution de l’encaisse métallique a été, pendant le mois dernier, de près de 70 millions ; mais ce chiffre, ne représente point la somme exacte qui a été demandée à la Banque dans cet espace de temps. La Banque a payé plus de 600,000 francs pour frais d’acquisition de métaux précieux. Comme la prime de l’or a été, pendant le mois de septembre, d’environ 6 fr. pour 1,000 fr., on voit qu’il est permis d’évaluer à près de 100 millions les achats de métaux que la Banque a dû faire pendant ce mois. Pour avoir une idée approximative des sommes réelles qui ont été retirées de la Banque, il faut ajouter près de 100 millions aux 70 millions de diminution que présente le compte-rendu d’octobre, comparé à celui de septembre. C’est donc à une demande de remboursement de plus de 160 millions que la Banque a eu à faire face. Par un effet naturel, le portefeuille, qui représente les demandes de crédit adressées à la Banque, s’est élevé à plus de 500 millions, chiffre qui n’avait jamais été atteint dans les mois correspondans des années antérieures. Évidemment l’accroissement du portefeuille provenait non d’une augmentation des opérations commerciales, mais d’opérations de change motivées par l’exportation du numéraire. Ainsi d’un côté une demande d’espèces démesurée, de l’autre une demande de crédit grossie extraordinairement par des besoins tout autres, que ceux qui résultent des opérations commerciales habituelles, telle était à la fin de septembre et au commencement d’octobre la double pression qui pesait sur la Banque. Cette situation se compliquait encore de la panique propagée dans les couches ignorantes de la population par les bruits, dangereusement répandus, de cours forcé, n’est hors de doute que ces rumeurs ont poussé bien des peureux à retirer du numéraire de la circulation pour se faire des thésaurisations particulières, et ont dû enlever à la Banque des sommes considérables.

La faveur que cette malheureuse idée du cours forcé des billets avait ob-