Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/922

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Que la vague écumante
Me lance dans les cieux,
Que l’onde mugissante
S’entr’ouvre sous mes yeux !


La phrase mélodique qui absorbe ces paroles est ample et vigoureuse, et serait digne d’accompagner les vers de Byron. La reprise du chœur qui sépare les deux couplets de cette chanson de vrais pirates en complète l’expression. Tout à coup un de ces bandits, Daniel, aperçoit à l’extrémité de la salle la statue d’une des victimes de Zampa, Alice Manfredi. Il s’engage alors entre la terreur superstitieuse des pirates et l’audace de Zampa une longue lutte dont les développemens, la complication et les nombreuses péripéties du dialogue forment une des plus belles scènes dramatiques qui existent en musique. Dans ce vaste ensemble de sonorités complexes où s’entrechoquent les effets les plus extrêmes d’ombre et de lumière ou de terreur superstitieuse et de folle intrépidité, on sent circuler comme un souffle de Mozart et de son Don Juan. Ce qui certain, c’est qu’Hérold est de la famille des grands musiciens.

Le second acte est presque aussi riche que le premier. Signalons seulement l’air de Zampa, que M. Barbot chante avec beaucoup de goût :


Toi, dont la grâce séduisante


et surtout l’allegro, qui est devenu populaire sans rien perdre de cette distinction native qui est le cachet de tout ce qu’a produit ce rare compositeur :


Il faut céder à mes lois.


Le joli duo entre Daniel et Ritta, qui se termine en trio plein d’esprit et cependant toujours musical, est traité à la manière de l’école italienne avant l’invasion de M. Verdi, ainsi que le duo pour soprano et ténor entre Camille et Alphonse. Puis vient le finale, presque aussi remarquable que celui du premier acte, où se trouvent encadrés les jolis couplets que chante Zampa :


Douce jouvencelle,


et qui ont couru le monde. Il est peut-être permis d’hésiter dans la préférence qu’on peut accorder à l’un ou à, l’autre des deux grands morceaux d’ensemble qui terminent le premier et le second acte de Zampa, comme il y a des hommes de goût, des gourmets qui hésitent entre Zampa et le Pré-aux-Clercs. Pour nous, le finale du premier acte de Zampa est aussi supérieur au second que la partition de Zampa l’est à celle du Pré-aux-Clercs. Le troisième acte renferme encore des choses délicieuses : la barcarole d’abord, la sérénade en chœur, puis le finale, où se trouve la charmante cavatine que Zampa chante aux pieds de Camille évanouie :


Pourquoi trembler ?
C’est moi qui vous implore !…


enfin le duo qui précède la catastrophe, et où l’on voit Zampa entraîné sous terre par la statue ; d’Alice, comme don Juan par celle du commandeur. Inspiration