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des procédés inventés ailleurs et légèrement modifiés. C’est de la musique parisienne, voilà la raison de son succès auprès du public de l’Opéra-Comique. Quant à l’instrumentation, dit encore l’écrivain après une accumulation d’épithètes injurieuses à la mémoire d’Hérold, on n’en saurait rien dire, sinon qu’elle est suffisante en général, mais qu’à la coda les coups de grosse caisse sont tellement multipliés, rapides et furibonds, qu’on est tenté de rire ou de s’enfuir. » Oui, on est tenté de rire, mais ce n’est pas de l’instrumentation de Zampa. Le même écrivain dit de l’adorable ballade du premier acte : « La ballade obligée du premier acte est extrêmement simple, elle a bien les allures d’une complainte de jeune fille ; mais ce style enfantin ne dégénère-t-il pas en niaiserie ? » Quant au duo des deux amans, au second acte, « c’est du jasmin, de la vanille, de l’ambre à hautes doses, etc. » Cette page curieuse est due à la plume de M. Berlioz, dont les compositions musicales et la critique sont de même valeur. Et nunc erudimini[1].

Cependant nous serions tenté de croire que ce jugement sur la partition de Zampa n’est pas entièrement le résultat de l’erreur. Le compositeur éminemment fantastique dont Robert Schumann disait : « Il brille comme un éclair dans un jour d’orage et laisse après lui une grande odeur de soufre[2], » a dû être péniblement surpris de trouver dans le chef-d’œuvre d’Hérold la réalisation complète de son rêve chéri : un opéra romantique ! Bien que ce dernier mot n’ait pas en France tout à fait la même signification que celle qu’on lui a donnée en Allemagne, d’où il nous est venu, il rappelle toutefois les efforts d’une école énergique pour retremper l’art dans des sources nouvelles et donner à la pensée une expression plus saisissante et plus colorée. Lorsque l’immortelle pléiade des poètes et prosateurs allemands, tels que Lessing, Goethe, Schiller, Jean-Paul et leurs adhérens, s’élevèrent au-delà du Rhin pour secouer le joug de l’art occidental, qui avait formé l’Allemagne, mais dont l’imitation persistante était pour ainsi dire une continuation de la domination étrangère, et particulièrement du génie romain, c’était pour tourner leur attention vers le moyen âge et l’histoire nationale, et s’inspirer du merveilleux chrétien, surtout de la légende populaire, dont ils recueillaient les accens avec piété. Weber fut le premier compositeur allemand qui répondit à l’appel de l’école romantique, et qui introduisit dans le drame lyrique la poésie mystique de la légende populaire dont le Freyschütz est rempli jusqu’aux bords. En cela, et par d’autres qualités que nous aurons occasion de signaler un jour, Weber forme un contraste complet avec Mozart, génie chrétien aussi, mais d’un christianisme lumineux et plus italien qu’allemand. En tenant compte de la différence des temps et des pays ; Hérold, dont le père était Allemand, n’oublions pas cela, est le compositeur français qui s’est le mieux inspiré des sentimens pieux de la légende populaire et du merveilleux chrétien, dont il a su rendre la poésie profonde et la tendresse pénétrante. Telle est la signification de l’opéra de Zampa, dont nous allons signaler rapidement les beautés.

  1. Journal des Débats, 27 septembre 1835.
  2. Musike and Musiker, t. III, p. 127.