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blâmer l’administration de l’Opéra d’avoir fait l’acquisition de Mme Borghi-Mamo, qui se trouvera naturellement plus à l’aise dans la Favorite de Donizetti, ainsi que dans la Reine de Chypre de M. Halévy. Après Mme Viardot, qui a donné au rôle de Fidès le cachet d’une personnalité indélébile, Mme Borghi-Mamo est encore la cantatrice qui supporte le mieux l’inévitable parallèle qui s’établit dans l’esprit du public. Dans tous les cas, elle y est supérieure à Mlle Alboni.

Une autre cantatrice italienne, Mme Medori, a débuté tout récemment dans les Vêpres siciliennes, de M. Verdi. Quand nous disons que Mme Medori est une cantatrice italienne, c’est une manière de désigner l’école où elle a été élevée, car Mme Medori est née à Bruxelles et porte un nom de famille moins euphonique. Il y a bien une dizaine d’années que Mme Medori chante sur les principaux théâtres de l’Italie, où elle a fait sa réputation dans les opéras de M. Verdi, les seuls ouvrages qu’on puisse entendre maintenant dans ce pauvre et malheureux pays. Sa voix est un soprano vigoureux et plein d’éclat dans la partie supérieure de l’échelle, mais dont les cordes médiaires sont déjà fatiguées. Quant aux notes basses, elles sont dépourvues de sonorité. Mme Medori est surtout une cantatrice dramatique, qui réussit mieux à donner de grands coups d’épée dans les scènes violentes, dans les tutti retentissans, qu’à exprimer des sentimens délicats qui exigent des nuances et une flexibilité variée. Des nuances, il n’en est pas besoin pour chanter la musique de M. Verdi. D’une belle prestance, les épaules amples et la poitrine bien charpentée, Mme Medori a tous les signes de la force. Sa pantomime est animée, et si parfois elle donne à son geste plus de vigueur que de noblesse, elle est bien en scène, et semble toujours écouter avec attention l’interlocuteur qui lui parle. C’est une qualité qu’on ne rencontre pas toujours sur la scène française, et que la Ristori possède surtout à un degré éminent. Cependant nous devons avouer que Mme Medori n’a pas réussi à captiver le public devant qui elle a paru pour la première fois. On lui a tenu rigueur et de son âge, qui n’est plus la jeunesse, de sa grande réputation, qui a paru fort exagérée, et du prix considérable de 10,000 fr. par mois qu’elle coûte à l’administration de l’Opéra. Si le succès de la cantatrice eût été plus décisif, vraisemblablement on se serait montré moins préoccupé de tous ces détails d’économie intérieure ; on ne marchande pas avec un vrai plaisir. Nous pensons que si, au lieu de se produire dans un ouvrage aussi médiocre que les Vêpres siciliennes, Mme Medori eût débuté dans les Huguenots, elle aurait rencontré moins d’obstacles. Ce qui est différé n’est pas perdu.

Le théâtre de l’Opéra-Comique, ne sachant plus à quel saint se vouer pour attirer le public pendant les chaleurs caniculaires que nous avons traversées, a eu la bonne idée de s’adresser au bon Dieu et de reprendre un chef-d’œuvre de son répertoire, auquel sans doute la direction ne songeait plus. Zampa, opéra en trois actes, a été donné au commencement du mois de septembre, au grand ébahissement de ceux qui ne connaissaient pas cette musique, à la confusion des iconoclastes barbares qui, dans une littérature non moins fantasque que leurs symphonies, ont traite Hérold comme ils avaient traité : Mozart. L’auteur de Marie, de Zampa et du Pré aux Clercs était bien digne d’être lapidé en si bonne compagnie. Zampa a été représenté pour la première