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REVUE MUSICALE


Le temps de la villégiature est à peu près fini, et la saison musicale commence à s’épanouir. Des plaisirs différens se succèdent pour les heureux de ce monde, qui n’ont qu’à se dire, selon une bonne locution populaire : « Bouche, que veux-tu ? » On a beaucoup chanté et beaucoup dansé pendant l’été qui vient de s’écouler. Dans tous les coins ombreux de l’Europe, on n’entendait que flageolets, sarabandes et douces chansons. Tandis que Rossini allait, retremper ses nerfs fatigués aux eaux de l’Allemagne, où il a été reçu en poeta sovrano,


Che spande di cantar
Si largo fiume !


Meyerbeer parcourait l’Italie en triomphateur patient, minant sourdement les murailles des cités joyeuses, et faisant représenter le Prophète et Robert-le-Diable en plein soleil de Naples et de Florence ! N’est-ce pas là un signe du temps ? comme dit M. de Bunsen aux bords de la Sprée. Oui, oui, tout change, tout se transforme, tout dépérit pour renaître sous une forme nouvelle. Est-ce un bien, est-ce un mal ? Est-ce du progrès ou de la décadence ? Dio lo sa. En attendant, l’administration de l’Opéra est passée en d’autres mains, M. Crosnier a fait place à M. Alph. Royer, qui promet monts et merveilles, et qui commence par payer un large tribut à cet esprit du temps dont nous parlions. Il Trovatore de M. Verdi, qui a eu un certain succès au Théâtre-Italien l’année dernière, va être translaté sur la grande scène de l’Opéra, où il sera chanté en français par deux cantatrices italiennes, Mmes Borghi-Mamo et Medori. Pendant ce temps-là, le directeur du Théâtre-Italien fera entendre dans les chefs-d’œuvre de Rossini, de Donizetti, de Bellini, et dans les mélodrames du compositeur lombard, un ténor français qui a vu le jour à Toulouse et qui a été élevé au Conservatoire de Paris. Quant aux chefs-d’œuvre de l’ancien répertoire, il n’en est nullement question. Il faudra toujours faire le voyage de Berlin, si l’on veut connaître Armide, Iphigénie en Tauride,