Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/911

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ouâdoc, qui passe pour anthropophage. Autrefois, au dire des gens de l’Ousambara, les Ouâdoc dominèrent sur tout le pays qui s’étend jusqu’à la côte en face de Zanzibar. Les musulmans de la côte finirent par s’unir pour les accabler ; ils se sont alors rétirés vers les montagnes de l’ouest, où ils sont encore un sujet d’effroi pour leurs voisins. Tout en rapportant ce fait, qu’il a recueilli à Touga, M. Krapf rappelle qu’il n’a pu le vérifier, et qu’on ne doit l’accueillir qu’avec défiance jusqu’à ce qu’il ait été constaté par des voyageurs dignes de foi.

Le missionnaire a recueilli bien des noms de peuplades outre ceux que nous avons mentionnés. Tant qu’une carte détaillée et précise de son voyage ne déterminera pas la place respective que chacune d’elles occupe, il sera inutile de produire ces noms, qui jusqu’ici étaient pour la plupart inconnus.

Après avoir obtenu de Kméri, en dépit des magiciens, l’autorisation d’établir une mission dans l’Ousambara, le docteur Krapf reprit la route de Rabai-Mpia par les montagnes de Bondeï. Il traversa le village de Mombo, vit des cantons riches en bananes et en cannes à sucre, franchit le désert de Kérenghé, couvert de hautes herbes, la montagne de Handeï, et arriva au village de ce nom, puis à celui de Djoumbi, et enfin à Pangani, bâti au milieu de plantations de cocotiers, de riz et de maïs, et composé principalement de cabanes en pieux couvertes de feuilles de cocotier ; mais où un petit nombre de maisons en pierre s’aperçoivent cependant çà et là. Il s’embarqua pour Mombas, où il aborda le 14 avril 1852, et quelques jours après il se trouvait à Kisuludini, où la nouvelle maison des missions a été bâtie. L’année suivante, le délabrement de sa santé, causé par les fatigues qu’il avait endurées dans ses voyages, le força de revenir en Europe, d’où il est retourné depuis en Abyssinie. Quant à M. Rebmann, il est resté à la côte orientale d’Afrique. Dans le cours de 1855, plusieurs communications successives ont fait savoir à l’Europe que ce missionnaire et un nouveau collègue, M. Ehrardt, avaient eu connaissance de l’existence d’une nappe d’eau d’une étendue de 10 degrés en longueur et de 6 environ en largeur, à laquelle les indigènes donnent, entre autres noms, celui de Uniamesi, et qui serait une immense prolongation de ce lac Nyassi ou Maravi, dont l’existence a longtemps paru douteuse, et dont la position est toujours demeurée incertaine. Une carte détaillée d’une partie des rivages de cette mer a été envoyée en Europe par M. Ehrardt[1].

Tels sont dans leur ensemble les travaux et les découvertes qui se rattachent plus ou moins directement à la recherche des sources du Nil, et qui préparent la voie dans laquelle la nouvelle expédition de M. d’Escayrac entre aujourd’hui. Deux voyageurs étrangers, M. Burton, l’intrépide explorateur de Harar et le jeune et heureux continuateur de Barth, M. Vogel, doivent, dit-on, converger par des points de départ différens vers les pays dans lesquels cette expédition s’engage, et étudier, selon que le leur permettront les circonstances, les pics gigantesques jetés sous l’équateur, le bassin de la mer Uniamesi ou les affluens et les premiers ruisseaux qui forment

  1. Le docteur Petermann l’a publiée dans les Mittheilungen, 1856, n° 1, et M. Malte-Brun en a donné une réduction dans les Nouvelles Annales des Voyages de juin 1856.