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SIR ROBERT PEEL

QUATRIÈME PARTIE.[1]


XV.

En sortant du pouvoir comme il en sortit en 1846, sir Robert Peel entra dans la situation la plus tentante et la plus périlleuse pour l’orgueil même le plus légitime, l’empire sans le gouvernement, l’autorité sans la responsabilité. J’ai vu de nobles esprits succomber à cette tentation et se donner trop complaisamment les superbes plaisirs d’une supériorité facile en protégeant et censurant tour à tour le pouvoir sans en porter le fardeau. Sir Robert Peel n’échoua point sur cet écueil. Il avait puissamment gouverné, et ne sentait nul besoin d’étaler, comme critique, une habileté qu’il avait prouvée comme acteur. Il connaissait par sa propre expérience les difficultés du gouvernement, et sa raison, comme son équité, se refusait à imputer tout le mal aux torts ou à l’insuffisance des gouvernans. Il était, je crois, peu empressé à reprendre le pouvoir, et n’éprouvait, contre ceux qui le possédaient, point d’irritation ni d’humeur, car ils ne faisaient pas obstacle à ses désirs. Pendant quatre ans, de 1846 à 1850, depuis sa retraite jusqu’à sa mort, il garda cette attitude délicate et rare, jouissant à la fois de l’indépendance et de l’influence, patron de ses anciens adversaires, les critiquant sans amertume et leur donnant sans arrogance son appui.

Ce fut pour lui, dans les premiers temps, une vertu facile ; à mesure qu’ils apparaissaient, les faits lui donnaient raison et justi-

  1. Voyez les livraisons des 15 mai, 1er juillet et ler août 1856.