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Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, l’Afrique intérieure resta à peu près inexplorée. Les anciens ne connurent guère du continent africain que l’Égypte, les régions vaguement désignées sous le nom d’Ethiopie et le littoral méditerranéen. Le moyen âge accumula les révolutions sur les rivages septentrionaux de l’Afrique sans rien ajouter à nos connaissances géographiques. Enfin les heureuses expéditions de Barthélémy Diaz et de Vasco de Gama vinrent compléter des notions lentement recueillies sur le rivage de l’Afrique, et les nations maritimes ne tardèrent pas à couvrir de leurs comptoirs l’immense littoral africain. L’intérieur du continent devait-il seul échapper aux investigations des voyageurs, et ne pouvait-on acquérir enfin des connaissances précises sur ces nations, sur ces villes, sur ces fleuves dont les noms ne parvenaient à l’Europe qu’environnés de fables et de mystères ? Résoudre, en indiquant les sources du Nil, un problème aussi vieux que le monde, descendre jusqu’à son embouchure le grand fleuve de la Nigritie, marquer la position de Tombouctou, visiter dans le Soudan un grand lac dont l’existence était vaguement signalée, tels furent les premiers vœux de la géographie. Le sentiment de curiosité qui venait de naître, encouragé par les espérances du commerce et secondé par l’esprit d’aventures qui caractérise les peuples de l’Europe occidentale, donna la première impulsion à ce grand mouvement d’explorations et de voyages qui a fait tant de nobles victimes, mais dont nous voyons le développement extrême, et dont les prochaines générations seront sans doute appelées à recueillir les fruits.

Au prix de quelles souffrances s’accomplirent ces conquêtes de la géographie en Afrique, le sort de la plupart des voyageurs l’a fait assez connaître, et ce n’est jamais sans une émotion profonde que l’esprit se reporte à ces aventureuses entreprises auxquelles Houghton, Mungo-Park, Hornmann, Oudney, Clapperton, Laing, Caillié, Lander et tant d’autres ont attaché leurs noms tristes et glorieux. On a trop de fois redit ce qu’il fallut à ces nobles voyageurs de dévouement et de courage opiniâtre pour qu’il soit nécessaire de le rappeler ici. Nous nous proposons simplement de retracer les résultats des dernières explorations dont l’Afrique a été le théâtre.

Si ce continent a si longtemps échappé à nos investigations, c’est son étrange conformation topographique qu’il faut surtout en accuser. On comprend quels obstacles une masse compacte, qui n’est découpée par aucune mer extérieure, doit opposer à l’exploration. Aussi, lorsque les étrangers ont voulu pénétrer au sein de cette terre que la nature semblait s’être plu à rendre inaccessible, leur a-t-il fallu, plus que partout ailleurs, se grouper autour des lacs et suivre le cours des fleuves, chemins longs et périlleux, mais les seuls qui pussent ouvrir devant eux de vastes espaces. Les expéditions européennes se sont partagé l’Afrique comme par bassins. L’expédition anglo-germaine de Richardson, Overweg, Barth et Vogel a sillonné en tous sens les régions qu’arrosent le lac Tchad, le Niger et la Tchadda, pendant que MM. Livingston, Galton, Andersson, s’appliquaient, dans leurs aventureuses excursions à travers l’Afrique australe, à relever la vallée du Chobé (Zambèze supérieur) et à reconnaître le lac N’gami et ses affluens. Le Haut-Nil a vu de son côté nombre d’expéditions qui toutes se proposaient d’éclaircir le mystère de son origine, et qui semblent toucher à leur terme. Arrêtons-nous à ce dernier ordre de problèmes. Les difficultés opposées aux