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L’HISTOIRE ET LES HISTORIENS DE L’ITALIE.

Tabarini, Galeotti, et des principaux éditeurs de l’ancien Archivio. À côté de la paisible érudition qui commente les écrits du passé vient se placer parfois une polémique animée, qui s’adresse aux contemporains. Enfin un article du nouveau recueil est consacré à rendre compte d’une œuvre historique d’un genre particulier ; ce n’est ni un document inédit, ni une dissertation, ni un jugement critique, c’est le classement matériel, mais en même temps très intelligent des Archives de l’état, exécuté à Florence par M. Bonaini, avec un ordre, une méthode admirables, et dans un espace de temps qui semble bien peu considérable quand on parcourt les cinquante-six salles dans lesquelles sont distribuées les richesses des Archives de l’état. La division adoptée par M. Bonaini est celle qui est donnée par l’histoire : il distingue l’époque de la république et l’époque du gouvernement grand-ducal, et, dans chacune de ces deux époques, chacune des différentes branches du gouvernement et de l’administration donne naissance à un groupe de documens qui lui est relatif. Parcourir les salles des Archives de l’état, c’est se trouver en présence de l’ancienne organisation politique de la Toscane, c’est la voir manifestée pour ainsi dire dans une collection de documens de diverse nature, et qui correspondent à toutes ses parties.

Je ne sais si j’ai pu donner au lecteur une idée de la richesse et de la variété de l’importante collection que je tenais à lui signaler. Pour moi, en la parcourant, il me semblait voyager encore en Italie, errer dans ces villes où l’on trouve pêle-mêle et côte à côte des monumens de tous les temps modernes : une vieille église lombarde, une cathédrale ou un palais communal du moyen âge, un rempart élevé contre l’étranger ou un fort qu’il a bâti, des palais, des tours, qui rappellent les combats des familles ennemies et des partis contraires, de sorte que tandis que l’on passe d’une contrée à une autre, l’imagination voyage, elle aussi, d’un siècle à un autre siècle. En terminant cette course rapide à travers tant de monumens si divers d’âges et de caractères, en me retournant pour ainsi dire vers ce passé à travers lequel je viens d’errer un peu au hasard, j’éprouve le sentiment qu’on rapporte d’un voyage en Italie, ce sentiment de tristesse et d’admiration pour le passé, d’espoir et d’inquiétude pour l’avenir. Je me dis : Alors que de vie, d’ardeur, de puissance souvent perdues ! Aujourd’hui que d’aspirations, d’espérances, destinées à être déçues peut-être, peut-être réalisées ! Et la main appuyée sur leur histoire, je dis aux Italiens : Courage… mais prenez garde.

J.-J. Ampère.