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MAURICE

DERNIÈRE PARTIE.[1]


XI.

Maurice n’avait pas voulu lire ce que M. de Courtalin avait écrit sur l’éventail de Sophie. On lui soutenait qu’il n’y avait rien que de fort innocent ; sa délicatesse tournait contre lui. Mme  Sorbier parlait de tout cela avec un petit air leste et dégagé qui aurait fort étonné ses vieux amis d’Étampes, peu accoutumés à des manières aussi badines. Certes elle était femme honnête autant que la plus irréprochable, et personne n’avait à dire un mot sur son compte : elle n’avait pas eu le temps de penser à autre chose qu’aux affaires de sa maison jusqu’à quarante ans, et à quarante ans elle avait abdiqué sans avoir régné ; mais entraînée et comme séduite par Mme  de Vitteaux, qui représentait pour elle ce monde d’élite où elle brûlait de pénétrer, Mme  Sorbier avait adopté son langage et ses idées. Il lui semblait que cette société, qui était l’éden de Paris, devait parler et agir comme parlait et agissait Mme  de Vitteaux. Il était donc horriblement bourgeois et d’une désespérante vulgarité de se révolter contre des habitudes admises par les boudoirs les mieux hantés et les salons les plus élégans. Mme  Sorbier habillait son esprit à la mode et prenait le ton du persiflage et de la légèreté, comme elle avait adopté les manches pagodes et la crinoline. Elle n’avait pas manqué de raconter à M. Sorbier la petite scène du bal, et l’avait fait à sa manière, ayant bien soin de rendre M. de Courtalin plus blanc que neige et

  1. Voyez les livraisons du 15 septembre et du 1er octobre.