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examinait tous les ouvrages sortis de l’atelier de Gérard depuis la fin du directoire jusqu’aux dernières années de l’empire ! Les portraits de La Révellière-Lépaux et du prince de Bénévent, du général Moreau et du duc de Montebello, de Mme Tallien et de Mme Visconti, bien d’autres encore, à ne parler que des portraits en pied, montreraient quel crédit on accordait alors au peintre ; ils montre raient aussi combien cette faveur était légitime, et combien les artistes qui essayaient de la disputer à Gérard demeuraient inférieurs à lui, quelque fût d’ailleurs leur mérite.

Si l’on rapproche en effet les portraits peints par Gérard des œuvres du même genre qu’ont signées ses plus célèbres rivaux dans la peinture d’histoire, nul doute que la comparaison ne tourne tout au désavantage de celles-ci. En dehors des sujets de mouvement, de ces compositions agitées, où l’excès même de la verve assure et fortifie l’impression, le talent de Gros a plus de luxe que de vraie puissance. Si grand que ce talent se montre dans quelques portraits héroïques, dans ceux, entre autres, de Bonaparte à Arcole, du général Lasalle et du général Fournier-Sarlovèse, il n’exprime pas cependant sans une sorte d’ostentation le caractère martial des modèles. Ailleurs il lui arrive de se montrer ouvertement emphatique, et le portrait équestre de Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie, le portrait de M. Duroc celui de Duroc en costume de grand-maréchal du palais, sont traités dans un goût théâtral qui surcharge et travestit la vérité. Le style de Gros, — nous ne parlons, bien entendu, que du peintre de portraits et non du noble peintre de Jaffa et d’Aboukir, — le style de Gros a quelque chose d’excessif, de fastueux, d’empanaché, pour ainsi dire. En visant au grandiose, il ne rencontre le plus souvent que l’exagération et l’enflure, et, sous prétexte de donner à la réalité une apparence épique, il l’affuble d’ornemens qui ne réussissent guère qu’à l’épaissir.

La manière de Girodet au contraire aboutit à la mesquinerie en poursuivant une pureté idéale. Cette exécution précise jusqu’à l’inertie, cette expression de contrainte qui, dans les meilleurs tableaux du peintre d’Endymion et d’Atala, font tort à des intentions hautement poétiques, on les retrouve, mais ici sans compensation suffisante, dans les portraits qu’il a laissés. Quelques-uns même sont absolument dépourvus de mérite, et si l’on prenait pour spécimen de ce talent le triste portrait en pied de Charles Bonaparte, père de l’empereur, on ne serait que trop bien autorisé à porter un jugement sévère sur l’artiste coupable d’un pareil méfait. Girodet toutefois s’est montré ailleurs plus digne de lui. Le portrait du député nègre Jean-Baptiste Belley ou le portrait de M. de Chateaubriand donnerait assurément une idée meilleure de son habileté et de son goût ; mais ni ces œuvres, ni d’autres à peu près de même valeur qu’il produisit