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envier aux autres pays ? Dans le siècle suivant, un homme de haut mérite, Reynolds, donne à l’art anglais une valeur considérable, une activité toute nouvelle. Pour la première fois à Londres on n’est plus obligé de recourir à des talens étrangers, lorsqu’il s’agit d’obtenir l’image du souverain ou celle de quelque personnage célèbre. Gainsborough, Opie, Hoppner et quelques autres secondent assez efficacement l’influence de Reynolds et préparent la venue de Lawrence ; mais, si incontestables que soient les progrès accomplis de l’autre côté de la Manche vers la fin du règne de George II et sous le règne de son successeur, l’école française n’en garde pas moins, même alors, sa prééminence accoutumée. Elle n’a pas, il est vrai, de rival à opposer à Reynolds au moment où il paraît ; en revanche, les meilleurs élèves qu’il a formés trouveraient ici mieux que des émules. Ajoutons que chez nous les, peintres de portrait appartenant au XVIIIe siècle joignent à cette supériorité du talent l’avantage de se montrer en nombre, et même en nombre si imposant, qu’on néglige presque de rechercher leurs noms. Excepté deux ou trois qu’une faveur spéciale a maintenus hors de la foule, tous ces artistes semblent trop uniformément habiles pour qu’il soit nécessaire de distinguer entre eux. Il y a là injustice sans doute, mais cette injustice même, cette indifférence pour le fait personnel et le détail prouvent l’abondance des faits généraux et la richesse de l’ensemble.

En face d’œuvres plus récentes, une méthode aussi synthétique ne serait pas de mise. L’histoire de la peinture de portrait en France, en tant qu’histoire d’une école, prend fin avec l’ancienne Académie de peinture, supprimée, comme on sait, par un décret de la convention. Désormais plus d’efforts simultanés, plus de doctrine universellement admise. C’est isolément qu’il faut envisager les rares talens qui se révèlent, ou plutôt un seul homme, à partir des dernières années du XVIIIe siècle, résume et personnifie l’art du portrait dans notre pays ; un seul nom vient s’ajouter aux noms qui, pendant trois cents ans, avaient grossi sans interruption la liste des maîtres français. François Gérard est jusqu’à présent le dernier rejeton de la race. Depuis Gérard, notre école, riche en talens d’un autre ordre, n’a vu aucun maître se produire dans le genre où il avait excellé. Comme peintre d’histoire, il a pu être égalé, surpassé même par quelques-uns de ses successeurs ; comme peintre de portrait, il n’a pas laissé d’héritiers.

D’où vient pourtant que cette gloire, devant laquelle tous s’inclinaient au commencement du siècle, ait aujourd’hui perdu en grande partie son prestige ? Le poste officiel qu’a occupé Gérard, ses relations publiques ou familières avec les hommes les plus considérables du temps, tout ce qui se rattache à la personne du peintre et à