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parmi les maîtres ne peuvent être cités côte à côte qu’au mépris de la chronologie ; l’intervalle des années les sépare les uns des autres aussi bien que la disparité du talent. Chez les peintres de portrait au contraire, point de ces divergences ni de ces phases stériles. Les progrès se relient par une sorte de déduction logique. Où trouver une lacune, où surprendre une défaillance dans cette longue série de talens qui se sont succédé en France depuis la fin du moyen âge jusqu’au siècle où nous sommes ? Dès le règne de Charles VII, — à une époque par conséquent où la peinture d’histoire se réduisait encore à l’ornementation tantôt symbolique, tantôt capricieuse des murailles et des verrières d’église, — Jean Fouquet traitait le portrait avec ce sentiment fin de la vérité et cette délicatesse de style dont la tradition, pieusement recueillie par plusieurs générations d’artistes, se retrouve et se perpétue dans les portraits appartenant à l’époque de la renaissance. Même à ce moment d’engouement général pour la manière italienne, nos portraitistes, on le sait, eurent le courage et le bon sens de ne pas abjurer leur vieille foi. Tandis que les autres peintres s’évertuaient à parodier dans leurs ouvrages les décevantes nouveautés qu’ils avaient vues à Fontainebleau, eux seuls protestaient, par la sobriété de leur méthode, contre les jactances de la pratique. Bien leur en prit, car les œuvres de ces humbles disciples de la vérité ont survécu aux œuvres ambitieuses, et si l’empressement des peintres d’histoire à accepter au XVIe siècle le joug italien nous apparaît aujourd’hui comme une sorte de félonie, la résistance obstinée de Clouet et des siens a presque le caractère d’un acte de patriotisme.

À partir du XVIIe siècle, les savans peintres de portrait ne se comptent plus dans notre école. C’est ce que l’on peut dire aussi des habiles graveurs chargés de reproduire leurs travaux, et de ces sculpteurs portraitistes dont la manière si expressément française achève de déterminer les conditions pressenties dès le moyen âge par les tailleurs d’images de nos cathédrales. Depuis Thomas de Leu, le graveur des portraits de Henri IV, jusqu’à Bervic, le graveur du portrait de Louis XVI, depuis le Richelieu de Girardon jusqu’au Voltaire de Houdon, que d’hommes et d’œuvres viennent illustrer le burin et le ciseau français ! À ne parler que de la peinture, trouverait-on aux mêmes époques, dans les autres écoles de l’Europe, une suite de portraits aussi bien faits pour renseigner l’art et l’histoire, une série de talens aussi invariablement ingénieux dans leur véracité ? Sauf Van-Dyck, Velasquez et Philippe de Champagne, — si tant est que l’origine flamande de celui-ci suffise pour l’exclure d’une école à laquelle il appartient d’ailleurs à tant de titres, — quel maître éminent parmi les peintres de portrait du XVIIe siècle notre pays a-t-il à