Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/769

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux Américains, lorsqu’éclata la guerre de l’indépendance. Le zèle avec lequel ils défendirent les libertés de leur patrie d’adoption a été célébré par la plupart des historiens du Nouveau-Monde, Un des motifs qui ont contribué, dans les âges militaires, à rendre les Juifs méprisables aux yeux des chrétiens, c’était précisément leur absence des armées. Cette absence ne provenait point de leur fait ; exclus généralement du droit de porter les armes, ils subissaient au contraire avec regret l’inaction et la neutralité violentes qui leur étaient imposées par les préjugés du temps. Le courage des races est d’ailleurs en rapport avec la place qu’elles occupent dans l’édifice social et avec les avantages qui leur sont accordés. Réduits à la condition d’êtres nomades et vagabonds, les Juifs du moyen âge devaient se montrer indifférens aux conflits qui avançaient ou reculaient la limite des états. Aujourd’hui les choses sont bien changées. Dès que les Israélites de l’ancien et du nouveau monde eurent des autels et des foyers, ils se levèrent avec toute la nation pour les défendre. Dans les états de l’Europe où les lois les admettent sous les drapeaux, les Hébreux modernes ont montré que l’antique valeur de leur race pastorale et guerrière ne s’était point amollie dans la pratique du commerce. Durant la guerre que l’Allemagne soutint de 1813 à 1815 pour reconquérir les droits de sa nationalité, 17,000 Israélites combattirent au service de l’Autriche. Au siège d’Anvers, en 1832, la citadelle comptait parmi ses défenseurs grand nombre de Juifs, à la noble conduite desquels le général hollandais Chassé a rendu depuis un éclatant hommage. Ces deux faits, et je pourrais en citer d’autres, prouvent que si les Israélites se montrèrent si patiens et si inoffensifs sous la main des gouvernemens qui les frappaient, il ne faut point en accuser un sentiment de pusillanimité.

L’Amérique nous présente encore le spectacle curieux d’une race primitivement agricole, mais arrachée au sol de ses pères et confinée dans les affaires commerciales, qui retourne, après des siècles, aux travaux de la terre. Les Israélites ont contribué pour une assez grande part au défrichement des déserts du Nouveau-Monde. La colonisation de la Géorgie fut entreprise en 1732. Des Juifs sans autre fortune que leur industrie, « sans autre patrie que la tombe, » tournèrent alors leurs yeux vers cette terre où, « sous sa propre vigne et sous son figuier, » chacun d’eux pourrait adorer le Dieu de ses pères sans être maltraité par les autres hommes. En 1733, quarante émigrans israélites s’embarquèrent à Londres et arrivèrent à Savannah. Au milieu des sauvages et à l’ombre des noires forêts de la Géorgie, Jehova reçut les prières de son peuple dans la langue d’Isaac et de Jacob. Cette colonie prospéra. En 1816, un jeune homme arriva des côtes de la Grande-Bretagne à New-York ; il venait